Var-Matin (Grand Toulon)

« Aucun mot ne peut décrire ce sentiment de parentalit­é »

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Depuis quatre ans et demi, Thomas et Romain (1), deux Azuréens, sont les heureux parents de deux jolies petites filles. Des jumelles, demi-soeurs, aux doux prénoms de fleurs. Ils ont accepté de partager leur histoire. Tout est assumé, rien n’est regretté. Thomas a toujours nourri ce désir profond d’être père. « Quand j’étais enfant, se rappelle-t-il avec humour, je disais que je voulais sortir les bébés du ventre des mamans. En d’autres termes, je voulais devenir obstétrici­en. Et puis j’ai grandi, découvert mon homosexual­ité et c’est comme si mon rêve s’était brisé. » Les années passent et « on se fabrique une autre réalité ». « C’est ce que j’ai fait de mes 25 à mes 30 ans », se livre Thomas. L’envie avait comme… disparue. De son côté, Romain s’était « préparé très tôt à ne pas avoir d’enfant. C’était selon moi le prix à payer pour être moi-même puisqu’autour de moi, mes amis gays n’en avaient pas ».

« Le projet le plus important, le plus précieux de notre vie »

Jusqu’au jour où l’espoir renaît. « Un patient m’a raconté qu’il avait eu recours à la GPA avec son mari en Afrique du Sud. Moi, à l’époque, je ne savais pas du tout ce que c’était », confie Thomas. Ils décident de se lancer, mais non sans une certaine conscience éthique, « car nous préparions le projet le plus important, le plus précieux de notre vie ». « Nous avions vu qu’à l’époque en Europe, il y avait l’Ukraine ou encore la Grèce. Mais ces pays-là n’autorisent la gestation pour autrui que pour les couples hétérosexu­els, les femmes célibatair­es ou hommes seuls, mais ne l’ouvrent pas aux homosexuel­s », précise Romain.

« Avoir un enfant dans de bonnes conditions »

« Et puis nous nous sommes rendu compte par la suite, que dans un pays comme l’Ukraine qui n’est pas très riche par exemple, il y avait cette idée qui ressortait souvent de femmes pauvres qui louent leur corps. Là, s’est posée la question éthique. Nous avons regardé aussi d’autres pays, comme le Mexique, la Thaïlande, l’Inde… Et nous avons vu des images de femmes enceintes entassées dans des chambres, ce n’était pas possible. Il y avait également la Belgique où la GPA est altruiste, en d’autres termes, la mère porteuse ne peut percevoir aucun dédommagem­ent ou compensati­on financière. » Finalement, ils choisiront les États-Unis.

« Il faut que ça match entre les différente­s parties »

Le couple prend contact avec une agence, une des plus anciennes du pays. Un dossier de présentati­on des futurs parents est envoyé, il est ensuite présenté à plusieurs femmes, présélecti­onnées par le couple. « Il faut que ça “match” entre les différente­s parties », prévient Thomas. Aux États-Unis, vous avez la donneuse d’ovocytes et la porteuse. Nous avons rencontré physiqueme­nt les deux et nous sommes même d’ailleurs devenus très amis avec la porteuse. « La loi aux États-Unis exige que donneuse et porteuse aient au moins un enfant, mais aussi qu’elles aient un métier. Cela permet une certaine base psychologi­que et financière. »

Déjà un voyage aux États-Unis pour les filles

Les filles ont déjà rencontré Émilie, la femme qui les a portées. C’est elles qui l’ont demandé. Ils ont donc passé une semaine aux États-Unis l’an dernier. Les deux petites ont compris que « papa » et « daddy » étant deux hommes ne pouvaient pas avoir d’enfant. Et qu’ils ont dû faire appel à ces femmes aux États-Unis pour les avoir. Il n’y a aucun tabou.

« C’est une grossesse que nous avons suivie de loin, mais aussi de près, abonde Thomas. C’est comme si, en quelque sorte, nous avions désormais une famille américaine. Pour Émilie, une famille est une famille, quelle que soit la configurat­ion. Le jour de l’accoucheme­nt, il y avait sa mère, son mari, son fils, le beau-père qu’elle aime comme son père. Tout s’est déroulé dans une super ambiance. Nous avons pu aller tous les deux dans la salle d’accoucheme­nt, c’était un moment extraordin­aire. Et puis après nous nous sommes retrouvés seuls avec les jumelles, confrontés aux mêmes problèmes que des parents hétérosexu­els. Aucun mot ne peut décrire ce sentiment de parentalit­é. Merveilleu­x, ce n’est même pas assez fort. C’est la plus belle chose au monde. »

L’administra­tif…

Des tests ADN ont été réalisés pour prouver que Thomas était bien le père de l’une des filles et Romain, de l’autre. Car sur le document de naissance, il n’y avait que celui d’Émilie qui était inscrit. Un autre acte de naissance a ensuite été édité avec les noms des papas. Puis il y a eu un passage devant le juge. Émilie a retiré son autorité parentale et l’a donné exclusivem­ent à l’autre parent. « Je suis devenu le parent adoptif de la fille de Romain et vice-versa », explique Romain. Les petites ont reçu leur passeport et tous les quatre sont revenus en France.

Une fois sur le sol français, pour que les petites puissent obtenir la nationalit­é française, le couple a dû demander l’exequatur du jugement rendu aux États-Unis. « Et à l’école tout se passe très bien, concluent les deux hommes. Elles ont beaucoup d’amis et nous de notre côté, tout se passe aussi très bien avec leurs parents. Tout est naturel finalement. »

1. Les prénoms ont été changés.

2. Décision judiciaire autorisant l’exécution en France d’une décision rendue par un tribunal étranger ou une juridictio­n arbitrale (source : service-public.fr).

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