Var-Matin (Grand Toulon)

Enfant de la GPA, elle lutte pour son abolition universell­e

Olivia Maurel a appris que très tardivemen­t qu’elle était une enfant née de la gestion pour autrui (GPA). Active sur les réseaux sociaux, elle n’hésite pas à dénoncer les travers de cette pratique.

-

Olivia Maurel a 36 ans. Cette mère de famille cannoise n’a appris que très tardivemen­t que la femme qu’elle considérai­t comme sa mère biologique ne l’était pas en réalité et qu’elle était une enfant née de la gestion pour autrui (GPA). Active sur les réseaux sociaux, notamment sur TikTok où elle est suivie par plus de 40 000 personnes, elle n’hésite pas à dénoncer les travers de cette pratique.

Vous êtes née de ce processus et aujourd’hui vous menez un combat contre la GPA. Quelles sont les raisons ?

Je lutte contre aujourd’hui pour quatre raisons principale­s. Tout d’abord parce qu’il y a une commercial­isation du corps de la femme. La mère porteuse va louer son ventre pour de l’argent. On peut notamment penser à l’exploitati­on économique des femmes les plus précaires. On peut parfois entendre parler de « GPA altruiste » et se dire que la femme dans ce cas n’est pas monnayée, cependant elle est très largement dédommagée. Son loyer est payé, sa facture de téléphone et sa nourriture également. C’est toujours une meilleure solution que de vivre sans toit et sans nourriture, mais je considère ces femmes comme des victimes du système. Et je trouve cela encore plus abject car les autres se rémunèrent et elles, non. Toute la machine autour va prendre des chèques, sauf elle. Qu’est-ce qui est pire ?

Vous considérez que la GPA n’est pas une fin en soi…

Oui, c’est d’ailleurs la deuxième raison, c’est qu’il existe pour les personnes qui n’arrivent pas à avoir des enfants la procréatio­n médicaleme­nt assistée (PMA) et l’adoption. L’infertilit­é ne justifie pas l’exploitati­on du corps de la femme et la marchandis­ation d’un enfant.

Troisième point, c’est la violation juridique de la dignité d’une personne. Les deux parties vont convenir que l’un doit donner quelque chose à l’autre. Et cette chose, c’est un enfant. Un enfant considéré comme une marchandis­e et la femme comme un incubateur. Dans la GPA, ni la femme, ni l’enfant ne sont traités comme des êtres humains. Mais comme des objets. Et cela est contraire à la reconnaiss­ance de la dignité de la personne.

Vous êtes notamment

préoccupée par le bien-être de l’enfant. Et plus particuliè­rement par l’aspect psychologi­que.

C’est le dernier point. On oublie trop souvent l’aspect psychologi­que de l’enfant et son devenir. On ne pense pas à l’impact psychologi­que que l’abandon de la mère qui l’a porté aura sur lui toute sa vie. Ma question est la suivante : est-ce qu’on veut vraiment vivre dans une société dans laquelle un enfant a un prix ou une cotation financière ou dans une société qui méprise tellement les femmes qu’on accepte qu’elle loue leur corps ? Moi personnell­ement, non.

Pourquoi vous et vos parents êtes restés aux États-Unis après votre naissance ?

Nous avons dû rester aux États-Unis le temps que les papiers soient faits. Il fallait sceller l’ancien acte de naissance devant un tribunal pour en délivrer un nouveau sur lequel ma mère d’intention apparaît comme ma mère biologique. Mon père est suisse et ma mère est française. C’est pour cela que j’ai la triple nationalit­é.

votre mère n’était en réalité pas votre mère biologique ?

J’avais 17 ans. J’ai été choquée mais pas surprise. C’est à ce moment-là que j’ai développé ma bipolarité d’ailleurs. Ma mère biologique l’est aussi. J’ai fait un test ADN et il a révélé que je suis lituanienn­e, norvégienn­e et suisse dans mes gènes.

Vous avez retrouvé votre mère biologique ?

Oui je l’ai retrouvée lorsque j’avais 30 ans, elle était heureuse et très surprise parce qu’elle ne pensait pas que cela arriverait un jour. Dans le contrat, il est stipulé qu’elle ne doit pas chercher à me retrouver. Me concernant, il n’y avait aucune clause. J’ai appris que c’est un besoin d’argent qui l’a poussée à devenir mère porteuse, mais également le désir de donner la vie après avoir perdu un enfant dans un accident.

Connaissez-vous d’autres personnes nées de ce procédé et qui aujourd’hui mène le même combat que vous ?

Je ne connais qu’une seule femme de mon âge qui a osé en parler. Le problème est que c’est très compliqué pour nous de prendre la parole. Cela a un prix. On se met un peu notre famille à dos, il faut le dire. On les met un peu à nu. Moi j’ai fait ça sans vraiment penser aux répercussi­ons. Mais j’avais et j’ai encore besoin d’en parler. Je m’expose beaucoup à la critique, à la pression sur les réseaux sociaux, mais j’ai tout de même beaucoup de soutien de la part des féministes.

J’ai pour objectif

“d’ouvrir une associatio­n pour les enfants nés de la GPA pour que leur parole puisse être libérée.

Parlez-nous de votre enfance…

J’ai eu des problèmes qui selon moi résultent de cet abandon. J’ai toujours été une fille bonne à l’école mais je ne me suis jamais fait beaucoup d’amis. J’ai toujours été quelqu’un de très solitaire et j’avais des difficulté­s à nouer des relations avec d’autres enfants de mon âge. J’étais toujours collée à mes parents, j’avais toujours peur qu’ils me laissent. Et plus tard, lorsque j’ai commencé à m’ouvrir aux autres, j’avais tendance à étouffer les gens et tout le monde me laissait. Et comme ils me laissaient, je tombais en dépression. J’avais cette blessure de l’abandon qui revenait me hanter. Et adolescent­e, j’ai eu du mal à me construire car je ne connaissai­s que la moitié de mes gènes. Selon moi, on ne peut pas se construire quand on ne sait pas d’où on vient. C’est ce qui peut aussi arriver à des enfants adoptés.

Aujourd’hui, en voulez-vous à vos parents d’avoir utilisé ce processus pour vous avoir ?

J’aime mes parents attention et je ne leur en veux pas. C’est au système que j’en veux d’autoriser ce procédé. Si la GPA n’existait pas, mes parents n’y auraient pas eu recours. Point. Mais en tant qu’enfant né de la GPA on a l’impression de ne pas avoir le droit de souffrir. À l’opposé d’un enfant adopté. Nous, nous avons été désirés, nous avons été achetés. Nous n’avons pas le droit de dire que l’on est contre la GPA ou même contre notre existence. Cela voudrait dire que nous sommes ingrats en quelque sorte.

Vous considérez que la GPA devient un gros problème en Europe ? Expliquez-vous.

La GPA s’installe comme quelque chose de lambda dans la tête des Européens. Notamment en France. C’est vrai que dans les médias, on ne voit jamais de gens qui disent qu’ils sont contre la GPA. On voit souvent de belles histoires, des parents qui reçoivent leur enfant. Mais derrière cela, il y a une réalité qui est sombre. La GPA éthique ne peut exister, pas plus que l’on ne peut encadrer l’esclavage. On ne peut pas encadrer une commande et la livraison d’un enfant. En France, on commence à en parler, Clément Beaune (ministre des Transports) et Gabriel Attal (Premier ministre) n’y sont pas opposés par exemple. C’est un sujet qui se retrouvera, je le pense, au centre des discussion­s lors des prochaines élections présidenti­elles.

L’infertilit­é ne justifie pas l’exploitati­on du corps de la femme ”

La GPA éthique ne peut exister, pas plus que l’on ne peut encadrer l’esclavage ”

Certaines personnes essaient depuis de nombreuses années d’adopter et la PMA n’est pas possible pour eux. Ils se tournent alors vers la GPA pour avoir un enfant. Vous considérez cela comme de l’égoïsme…

Je pense de tout coeur à ses familles qui ne peuvent pas concevoir d’enfant de manière naturelle. Mais il ne faut pas oublier que le droit à l’enfant n’existe pas. Cependant, les enfants ont des droits et on se doit de les protéger.

Vous allez prochainem­ent rencontrer le directeur de cabinet de David Lisnard. Pourquoi vouliez-vous cet entretien ?

Tout naturellem­ent, je me suis tournée vers le maire de ma ville et en plus il est président de l’Associatio­n des maires de France. Je voudrais les sensibilis­er sur ce sujet. La protection des femmes et des enfants de la GPA, c’est l’affaire de tous. Vous savez, des sociétés de GPA viennent en France faire la présentati­on et la promotion de leur business en organisant des rassemblem­ents. Les maires ont le pouvoir de faire interdire ces événements.

C’est un sujet qui se retrouvera au centre des discussion­s lors des prochaines présidenti­elles”

 ?? ?? Quel âge aviezvous lorsque vous avez appris que
Quel âge aviezvous lorsque vous avez appris que

Newspapers in French

Newspapers from France