Var-Matin (Grand Toulon)

La marche en avant des sneakers

- ERIC NERI Rédacteur en chef edito@nicematin.fr

Ne les appelez plus des baskets ou pire encore des tennis, sous peine de passer pour un ringard figé dans les années 70, mais franchisse­z le pas avec le terme « sneakers ». Et tant pis pour l’anglicisme incompréhe­nsible - se déplacer furtivemen­t -, au moins avec « baskets », on en devinait immédiatem­ent l’origine. La chaussure de sport, autrefois réservée exclusivem­ent à la pratique sportive (il fut un temps où elle n’avait même pas sa place à l’école en dehors des séances d’éducation physique), a envahi, en quelques décennies, nos rues et désormais nos bureaux. Vous êtes passés à côté du phénomène ? Baissez la tête et regardez les pieds de ceux que vous croisez. L’expérience est édifiante. Pas étonnant que bon nombre d’enseignes de chaussures traditionn­elles, qui n’ont pas suffisamme­nt pris en compte une tendance qui représente aujourd’hui 50 % du marché en France, aient mis leurs salariés à pied ces dernières années.

Les baskets, attributs des jeunes des cités au début des années 80, sont aujourd’hui portées au quotidien par Monsieur et Madame Tout-le-monde, jusqu’aux cadres, avec costume ou tailleur, qui se veulent tendance. Il y a quelques années encore, ils n’auraient pas pu mettre un pied dans leur entreprise ainsi chaussés. Même les politiques s’y mettent, à l’image du Premier ministre britanniqu­e Rishi Sunak, qui vient d’accorder une interview à Downing Street, avec des Adidas. Shocking. Relativeme­nt basiques et peu chères à l’origine, les sneakers peuvent atteindre des sommets de prix à l’occasion de séries limitées que s’arrachent les fans (on marche sur la tête !) ou parce que de grandes maisons y ont apposé leur sigle.

Nike et Adidas, les deux pointures, ainsi qu’une kyrielle d’autres marques - New Balance, Puma, Reebok... - ont mis leur empreinte sur un marché qui pèse aujourd’hui 80 milliards d’euros, autant que le PIB de la Slovaquie (1). Ça marche d’autant plus fort que l’essentiel de la production est réalisé en Asie du Sud-Est. Les sneakers sont un des symboles de la mondialisa­tion qui a bouleversé la planète en quelques décennies. Des produits fabriqués pour de grosses multinatio­nales dans des pays à bas coûts et portés uniforméme­nt sur toute la planète.

« La chaussure de sport, autrefois réservée exclusivem­ent à la pratique sportive, a envahi, en quelques décennies, nos rues et désormais nos bureaux. »

1. Cité dans L’odyssée de la basket, de Pierre Demoux (Éditions La Tengo).

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