Var-Matin (Grand Toulon)

Comment a été créé Beausoleil IL Y A 120 ANS

L’aventure menant à la naissance de Beausoleil n’a pas été simple. Camille Blanc, président de la Société des Bains de Mer de Monaco, en fut le premier maire en 1900.

- ANDRÉ PEYREGNE magazine@nicematin.fr

Le président de la République Émile Loubet prit sa plume, la plongea dans l’encrier et, d’un geste définitif, signa le document qu’on venait de lui présenter. Le 10 avril 1904, il y a cent-vingt ans, il créait une nouvelle commune à la lisière de la Principaut­é de Monaco, la ville de Beausoleil. Beausoleil, oui ! C’est sur ce nom que les futurs conseiller­s municipaux s’étaient mis d’accord. Il y avait eu d’autres propositio­ns : « Montfleury » ou « Beauséjour ». Mais non, ce serait Beausoleil. Comment en était-on arrivé là ? L’aventure n’avait pas été simple...

Les riches en haut, les pauvres en bas

Au milieu du XIXe, l’essor de Monte-Carlo est considérab­le, avec son casino, ses hôtels. Les ouvriers piémontais viennent nombreux pour travailler sur les chantiers.

Ils s’installent dans le quartier bas de La Turbie qu’on appelle le « Carnier ».

C’est le quartier pauvre de la commune. Les riches propriétai­res terriens habitent en haut. Mais les habitants du bas sont de plus en plus nombreux. Ils sont même si nombreux qu’ils pourraient former une commune autonome. Ils en expriment le voeu auprès du préfet. Sans effet. Colère des gens d’en haut !

Une améliorati­on considérab­le entre le bas et le haut de La Turbie intervient en 1894 : la création d’un train à crémaillèr­e. On peut effectuer le trajet en vingt minutes à travers les jardins maraîchers qui sont situés à flanc de colline (ce train existera jusqu’en 1932 où un accident mortel y mettra fin).

À la fin du siècle, les gens d’en bas atteignent le nombre de quatre mille. Les maisons poussent de façon anarchique. Les conditions d’hygiène ne sont pas assurées. Mais le soleil arrange tout. Le beau soleil !

Peu à peu, les gens de Monaco qui sont à l’étroit dans leur Principaut­é commencent à lorgner sur ces terrains occupés de manière anarchique.

Le Riviera Palace voit le jour en 1899

La Compagnie des Wagons Lits qui veut choyer sa riche clientèle a une idée : construire un grand hôtel. En 1899 le Riviera Palace sort de terre. Aujourd’hui transformé en appartemen­ts, il est inscrit aux Monuments historique­s. On commence à appeler l’endroit « Monaco supérieur ». Mais l’urbanisati­on y est toujours aussi désordonné­e. Il faut faire quelque chose.

Arrivent les élections municipale­s de 1900. Camille Blanc va être l’homme de la situation.

Qui est-il ? Le fils de François Blanc, créateur de Monte-Carlo, de son casino et de la Société des Bains de Mer

(SBM). En 1881, c’est lui qui a succédé à son père à la présidence de la SBM. En 1900, il est élu maire de La Turbie. Et, grande nouveauté, il amène avec lui cinquante pour cent de « gens du bas » au conseil municipal. Les choses vont changer. Le quartier du Carnier va être amélioré : suppressio­n des dépôts d’ordures sauvages, destructio­n des maisons insalubres, constructi­on d’égouts collectifs, éclairage de la voirie, création d’un bureau de poste, d’un marché couvert, etc.

Camille Blanc élu maire

Le 24 mai 1900 est voté le principe de création d’une commune nouvelle, séparée de La Turbie. Il faudra quatre ans pour que le principe devienne réalité. Le 10 avril 1904, le président Émile Loubet signe le décret.

Un conseil municipal est mis en place le 1er mai. Comme il se doit, Camille Blanc est élu maire. Il cumulera jusqu’en 1912 la fonction avec celle du maire de La Turbie, et deviendra en plus, en 1909, maire de Capd’Ail lorsque cette commune se séparera, elle aussi, de La Turbie. C’est au cours de la séance du conseil municipal du 12 novembre 1903 que le nom de « Beausoleil » est adopté. Camille Blanc va vite faire prospérer sa commune. Il la dote d’équipement­s publics, d’une école, etc. La population double en quinze ans.

On construit même des casinos.

En 1907, les frères Isola créent le Palais du Soleil, dans lequel ils font venir les plus grandes vedettes parisienne­s : Mounet-Sully, Mata Hari, la Belle Otero, Mistinguet­t.

Quoi ? Un casino construit par un étranger dans la ville dont il est maire ? Camille Blanc voit rouge ! Il décide de répliquer en construisa­nt son propre casino, et cela tout en restant président du casino de Monte-Carlo ! C’est à y perdre la boule. La guerre des casinos est déclarée. Ce sera, bien sûr, Camille Blanc qui gagnera. Le Soleil du Palais sera condamné à l’éclipse.

Beausoleil aurait pu s’appeler « Montfleury » ou « Beauséjour »

Réélu en 1919

Tout cela sera balayé par la Première Guerre mondiale, les bâtiments étant transformé­s en hôpitaux militaires. Le monde bascule dans l’horreur. Une fois la paix revenue, Camille Blanc est réélu maire en 1919. Et se retire en 1925, à 78 ans.

Camille Blanc parti, le soleil continuait à briller sur sa ville. Lucet omnibus (Il luit pour tous) : telle est la devise de Beausoleil.

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(DR) Beausoleil au début du XXe siècle.

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