Var-Matin (Grand Toulon)

Que faisaient les galériens L’HIVER AU PORT DE TOULON ?

Jusqu’en 1748 l’arsenal de Toulon était le port d’attache des galères royales. Et, comme elles ne naviguaien­t pas l’hiver, les galériens étaient dévolus à toutes sortes de taches.

- NELLY NUSSBAUM magazine@nicematin.fr Sources : François Klein, maître de conférence­s d’Histoire contempora­ine, Service historique de la Marine.

Au Moyen Âge, le rôle de la galère – dont l’utilisatio­n remonte à l’antiquité – se divise entre militaire, lors des périodes de guerre, et commercial pour le transport de produits et de voyageurs. La peine des galères, d’abord non répressive et prononcée seulement en temps de guerre, devient réelle condamnati­on au début du XVIe siècle. La création d’un chantier de constructi­ons navales sous Louis XIV fit de Toulon le premier port de guerre français (lire encadré). C’est ici, qu’en 1609, on installa le dépôt des quarante galères royales où, jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, les condamnés accompliss­aient leur peine.

À cette époque, il en fallait peu pour être condamné aux galères. Les archives de la Marine mentionnen­t que le plus jeune avait 9 ans, le plus âgé 80 ans. À leur arrivée, les condamnés étaient tondus, vêtus d’une casaque, d’un bonnet de laine écarlate, du caleçon de gros drap, de bas de bure grise et recevaient la plaquette de fer-blanc qui indiquait leur matricule. Quant aux femmes condamnées aux galères, leur peine était commuée en une réclusion, soit dans une maison religieuse, soit dans un hôpital général.

Des conditions de vie épouvantab­les

À la belle saison, lorsque la galère était en mer, les conditions de vie des galériens étaient épouvantab­les, nus, ils ramaient, vivaient et dormaient dans leurs excréments. Deux hommes sur trois mouraient avant d’accomplir leur peine. L’hiver, les galères à rames étaient désarmées, aussi les forçats, les condamnés répartis en trois catégories, étaient affectés à divers travaux dans le port et dans la ville. Les archives rappellent les services variés que rendaient ces hommes dits « maudits » à la communauté.

Dans la première catégorie, les forçats condamnés pour les crimes peu graves recevaient une vareuse de laine grise, portaient un anneau de fer à la cheville et pouvaient travailler hors du port. La seconde comptait des criminels plus dangereux. Attachés aux pieds deux à deux par de lourdes chaînes, ils oeuvraient dans l’arsenal. Quant aux plus dangereux, ils formaient la troisième catégorie et restaient rivés en permanence au banc de leur galère, astreints aux seules besognes que leur permettait la position assise.

Les travaux d’hiver des galériens

Les terrasses à pierres sèches, orgueil de la campagne toulonnais­e, qui portent dans le ciel jusqu’au bout des coteaux, la vigne, l’olivier, l’amandier, l’oranger, sont le fruit du labeur des forçats qui les construisi­rent patiemment. Ils pouvaient aussi faire cent petits métiers saisonnier­s en ville, soit dans les familles, sous la caution de cellesci, soit en tant que maçons, tailleurs, vanniers, cordonnier­s, perruquier­s, tisserands, graveurs ou sculpteurs. Ils tressaient aussi des objets en paille agrémentés de coquillage­s, et taillaient, ornaient ceux en bois, dans des baraques en plein vent, le long des quais. En fait, les galériens faisaient partie du folklore. Soit que, dehors, on les regardait travailler, danser quelquefoi­s et chanter, soit que, pour quelques sous, on allait visiter ceux qui, dans leurs propres galères, étaient restés enchaînés à leur banc. Puis lorsque le 27 septembre 1748, Louis XV ordonne la suppressio­n des galères, les peines existaient toujours. La galère fit alors place au fameux bagne de Toulon. Commence alors une autre histoire !

Les archives de la Marine mentionnen­t que le plus jeune galérien avait 9 ans et le plus âgé 80 ans

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(DR) Le port de Toulon, ses deux darses et son arsenal en 1700, après les travaux d’aménagemen­t ordonnées par Colbert et Louis XIV dans les années 1670-1680.
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(Photo musée du Fort Balaguier) Représenta­tion d’un bagnard de Toulon, au début du XIXe siècle.
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Navires bâtis en moins de 24 heures à la demande de Colbert en 1679. (DR)

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