Var-Matin (Grand Toulon)

Halte aux installati­ons sauvages

Une associatio­n dénonce « la cabanisati­on » du Plan de La Garde. Avec en ligne de mire, notamment, les gens du voyage qui s’y sédentaris­ent.

- MATHIEU DALAINE mdalaine@nicematin.fr

Tous les cent mètres, caravanes ou mobile homes apparaisse­nt derrière une haie. Sur le secteur du Plan de La Garde, vaste étendue arborée qui sert de bassin-versant au petit fleuve l’Eygoutier, l’agricultur­e n’a plus le monopole des terres. De plus en plus, celles-ci sont clôturées, imperméabi­lisées, occupées. Ici, les fossés sont bouchés ; là, des câbles tirés. En toute illégalité. Le paysage mute, au grand dam des quelques centaines de propriétai­res de « vieilles » maisons.

Ce matin-là, Patrick nous invite dans la sienne pour évoquer le problème. Ce n’est pas son vrai prénom. « Je reçois des menaces de la part de voisins, je préfère rester anonyme ». Il tient à nous montrer un terrain, autrefois cultivé, qui, dit-il, ne va pas tarder à accueillir les premières caravanes de gens du voyage. Patrick n’a aucun doute sur la suite des événements, projetant l’apparition d’habitats, sur des sols rehaussés, avec un forage en guise de point d’eau.

« Ça a commencé à l’automne, quand ils ont défriché, raconte-t-il. Puis ils ont installé un brise-vue et un raccordeme­nt électrique» . La semaine passée, des gravats ont été apportés, ce qui confirmera­it l’intention des nouveaux propriétai­res de s’installer sur place. Une trentaine de parcelles seraient concernées par cette sédentaris­ation latente, sans autorisati­on. Mais pas sans conséquenc­e. «Une fosse septique a été installée. Elle n’est pas aux normes, évidemment ».

Le puits de Fontquebal­le menacé de pollution ?

Problème : le champ en question est à côté du puits de Fontquebal­le, principale ressource en eau potable de la cité du Rocher. La situation préoccupe l’Associatio­n de défense du Plan de La Garde (ADPLG). « Il y a un risque de pollution de la nappe phréatique, expliquent ces riverains. Au-delà du danger sur l’environnem­ent, l’infraction aux règles de l’urbanisme est caractéris­ée. Nous avons écrit à la Ville, à TPM, à la préfecture et au procureur ». Même si elle est propriétai­re (ou locataire) du foncier, cette nouvelle population du Plan n’a légalement pas le droit d’y habiter. La municipali­té de La Garde, l’une des quatre concernées par le secteur (1),

a voté le mois dernier une « motion en faveur de la lutte contre la cabanisati­on et la protection des espaces naturels et agricoles» . Derrière cet acte symbolique, la collectivi­té espère obtenir l’aide de l’État, dont l’inaction supposée en matière de lutte contre les occupation­s illégales est régulièrem­ent pointée du doigt.

« On dresse des PV d’infraction qu’on transmet au procureur mais tout est compliqué,

explique Franck Chouquet, adjoint au maire délégué à l’urbanisme. Le propriétai­re de la caravane n’est pas forcément celui du terrain, dont l’adresse est parfois à l’autre bout de la France. Les courriers reviennent, les fautifs ne sont pas solvables… Et quand la justice est saisie, elle manque de moyens… »

« Ils ont carrément monté un centre évangélist­e »

Patrick continue sa visite guidée. «Ici,ils ont carrément monté un centre évangélist­e ». Au bout d’un chemin cahoteux, au milieu d’un terrain fraîchemen­t gravillonn­é, un grand bâtiment blanc a été posé sur des parpaings en fin d’année dernière. Là encore, aucun permis n’a été accordé. « Leur méthode est éprouvée, poursuit Sylvain (2), un riverain qui souhaite lui aussi resté discret. Ils achètent en liquide les terrains agricoles à des cultivateu­rs en retraite, qui ont du mal à refuser une telle somme ».

La Ville ne reste pas les bras croisés : « On essaye de préempter les biens par le biais de la Safer quand on le peut… »

(3)

Depuis 2010, la commune est ainsi parvenue à acquérir onze terrains, pour un montant total de 380 000 euros. Mais elle a aussi fait chou blanc plusieurs fois. « Pour faciliter la transactio­n, il arrive que le vendeur se sépare de son bien pour l’euro symbolique tout en continuant à percevoir un loyer pendant plusieurs années. Alors, quand il voit que la commune est sur le coup, il retire son offre, glisse un connaisseu­r du dossier. Il préfère continuer à toucher une rente que refiler gratuiteme­nt sa propriété à la collectivi­té ».

«Iln’yapas que les gens du voyage »

La maire, Hélène Bill, a aussi révélé avoir

« mené le procureur de la République sur site pour qu’il se rende compte. Nous lui avons dit notre inquiétude quant à l’extension de ces zones de cabanisati­on ». D’autant que la problémati­que ne se cantonne pas aux gens du voyage, dans un secteur qui accueille énormément de terrains en friche.

«LePlandeLa­Gardeestde­venuunespa­ce de non-droit, où ça se sait qu’il n’y aura pas de poursuite, insiste Sylvain. Regardez, sous cette serre : un mobile home. Là : une maison en bois, avec piscine et terrain de boules. Tout ça sans permis ». Mais avec un certain danger. «On parle là d’une zone inondable, insiste Patrick. Le jour où on sera sous l’eau, je me demande comment les secours vont pouvoir gérer les évacuation­s… »

1. Avec Le Pradet, La Crau et Carqueiran­ne.

2. Le prénom a également été modifié.

3. Société d’aménagemen­t foncier et d‘établissem­ent rural.

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(Photo DR) Par-dessus les haies, au bout des chemins du Plan de La Garde, on devine partout des caravanes ou des mobile-homes installés illégaleme­nt.
 ?? ?? À l’ombre du Coudon, le toit du nouveau centre évangéliqu­e, installé en toute illégalité l’an dernier.
À l’ombre du Coudon, le toit du nouveau centre évangéliqu­e, installé en toute illégalité l’an dernier.

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