Var-Matin (Grand Toulon)

« Truffes, poissons et herbes de Provence : notre luxe ! »

Raymond Macario fait partie des derniers chefs cuisiniers traditionn­els du Var. Il est aussi à la tête des Disciples d’Escoffier, dont la vocation caritative fait des heureux.

- PROPOS RECUEILLIS PAR F. DUMAS

L’accent de Raymond Macario ne peut que trahir son « ancrage territoria­l ». Né à La Seyne, il est devenu chef cuisinier à Saint-Mandrier tout en prenant la tête de la délégation Var-Alpes des Disciples d’Escoffier, une associatio­n gastronomi­que pour le maintien des traditions de la cuisine.

Une aventure n’empêche pas une autre et, des fourneaux aux actions caritative­s, Raymond est à l’aise partout. Jusqu’à Tokyo où il a fait des émules.

Comment tombe-t-on dans la marmite de la cuisine ?

Par goût tout simplement. Très jeune, j’ai eu envie de « gangasser des casseroles », comme on dit. Pourtant, je n’étais pas prédestiné à ça. Mon père travaillai­t à l’arsenal, c’est vous dire... (rires)

Comment avez-vous fait pour réaliser votre rêve ?

J’ai suivi l’apprentiss­age classique. En 1964, j’ai appris les premiers gestes en cuisine à Toulon, au restaurant La Corniche, un trois-étoiles très réputé. J’y suis resté trois ans : deux ans en cuisine et un an au service. Puis, une fois mon

BEP en poche, j’ai voyagé. J’ai fait les saisons, à Courchevel, à la mer...

‘‘ Jusqu’à la consécrati­on : avoir votre propre restaurant ?

Ah, oui. L’aventure a démarré à l’été 1972 à

Saint-Mandrier. J’ai tenu La Tartane pendant 32 ans. Dès le début, ça a bien marché. C’est là qu’avait été tourné, en 1963, le film L’Âge ingrat avec Jean Gabin et Fernandel. Un lieu magnifique.

Que pouvait-on y déguster ?

C’est simple : je travaillai­s en circuit court bien avant que ça ne devienne à la mode. C’était en fonction de la pêche du jour. Pour les viandes, je choisissai­s moimême les bons morceaux et je les désossais moimême ! Notre clientèle comptait beaucoup de gens du cru, des visiteurs de passage, des plaisancie­rs... Une super époque !

Quelle était votre spécialité ?

Je pense tout de suite à la bourride de Toulon. Il y avait la Sétoise. Nous, nous avons inventé la Toulonnais­e avec du poisson blanc (loup, daurade, saint-pierre). Dans le fumet de poisson, on ajoute un aïoli serré, agrémenté de trois jaunes d’oeufs pour créer un velouté. Le plat est servi avec des croûtons, des pommes de terre vapeur et des moules. En 1985, nous avons même créé la charte de la Bourride des

restaurate­urs toulonnais !

Et entre deux plats à préparer, comment s’est imposé votre engagement caritatif ?

Les Disciples d’Escoffier étaient déjà très populaires à Nice mais, ici, il n’y avait pas grand-chose. C’est un regroupeme­nt de bons chefs et d’amateurs de gastronomi­e. Mais l’associatio­n ne faisait pas de caritatif. En 1999, j’ai décidé de mettre notre petite notoriété au service des enfants. Le principe était simple : consacrer au moins une journée par an pour aider les plus petits. Nous sommes aujourd’hui une centaine dans le Var dont la majorité sur le littoral. En

France, les Disciples sont 1 500 et 25 000 dans le monde !

À Tokyo, les Disciples d’Escoffier sont arrivés à inviter 500 handicapés dans des bons restaurant­s. Partout, la fraternité est réelle et l’aide désintéres­sée.

Comment y entre-t-on ?

Il faut être un chef cuisinier (intronisé via une écharpe rouge) ou un gastronome (en écharpe bleue). Les amoureux de la cuisine sont aussi les bienvenus !

Et ici, quelles ont été vos actions ?

Il y a une dizaine d’années, nous avons créé les premiers fauteuils flottants pour les personnes handicapée­s. Cela n’existait pas. J’ai travaillé avec un ingénieur marine. J’ai eu l’idée et lui a été l’inventeur. Mais nous n’avons pas déposé de brevet... D’autres en ont fabriqué un peu partout après... (sourire). En 2000, un ordinateur a pu être offert pour les résidents de San Salvadour à Hyères. Et, en 2013, on est arrivés à offrir des inhalateur­s pour les bébés prématurés souffrant de détresse respiratoi­re. Nous intervenon­s aussi à Monaco où le Prince Albert nous a remerciés. Chaque année, on organise également un grand gala où 250 personnes viennent profiter d’un repas gastronomi­que. Il y a une loterie de luxe dont tous les bénéfices sont consacrés aux enfants. Et, chaque année, ce sont les derniers intronisés qui

préparent le repas pour tout le monde.

Que pensez-vous du succès de la cuisine aujourd’hui ?

C’est fou ! Ce que je regrette, c’est qu’on fait davantage de l’assemblage que de la cuisine maintenant. Tout s’achète en gros et les préparatio­ns sont souvent minimes. Cela dénature la vraie cuisine. À mon époque, on travaillai­t les produits qu’on trouvait tout autour de nous. Un seul exemple : les chefs qui préparent la vraie bouillabai­sse, ici, se comptent aujourd’hui sur les doigts d’une main. Heureuseme­nt, il nous reste les truffes, le poisson et les herbes de Provence : notre luxe pour toujours !

Je regrette qu’on fasse de l’assemblage plutôt que de la cuisine »

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Raymond Macario

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