France-Suisse : le casse-tête tactique de Deschamps
L’équipe de Suisse est un formidable melting-pot à ciel ouvert qui a su intégrer les différentes générations d’immigrés pour en tirer profit et diversité.
Sur les 23 joueurs emmenés à l’Euro, la Suisse compte 14 garçons issus de l’immigration : Moubandje (Cameroun), Rodriguez (Chili-Espagne), Djourou (Côte d’Ivoire), Xhaka (Albanie), Behrami (Kosovo), Shaqiri (Kosovo), Zakaria (Congo), Embolo (Cameroun), Seferovic (Bosnie), Dzemaili (Macédoine), Fernandes (Cap-Vert), Tarashaj (Kosovo), Mehmedi (Bosnie) et Derdyock (Turquie). Vladimir Petkovic, le sélectionneur bosnien au passeport suisse, sait que ce melting-pot est à la fois représentatif du football helvétique et porteur d’une certaine fraîcheur. Encore plus dans un pays qui, lors d’un référendum en février 2014, avait dit « oui » à une faible majorité à la « fin de l’immigration de masse ». Un référendum voulu et organisé par l’UDC, le parti de la droite populiste. Mais voilà, la Suisse possède une histoire très axée sur l’ouverture. Après les vagues espagnoles et portugaises au début du XXe siècle, la guerre en Yougoslavie, dans les années 90, a donné lieu à une nouvelle vague d’immigration en provenance des Balkans (Bosnie, Kosovo, Albanie). Les enfants de cette génération ont donc grandi en Suisse. Et, naturellement, ils se sont mis à jouer au football très jeune. Récemment, l’Institut des sciences du sport de l’université de Lausanne a mis en exergue qu’un tiers des 250 000 licenciés de football du pays n’a pas la nationalité suisse. Rien d’anormal, non plus, dans un pays qui compte un quart d’étrangers (on y parle aussi bien l’allemand que l’italien, le français ou le portugais).
Les frères Yakin
Là où d’autres pays auraient pu se refermer ou mettre au ban cette vague étrangère, la Suisse en a tiré profit. Ce brassage permet au sélectionneur de disposer d’un panel de joueurs à la fois différents et complémentaires. Les garçons issus des Balkans proposent, par exemple, un football plus technique et collectif. C’est une vraie force que le pays a exploitée très rapidement. Mais ce melting-pot ne date pas d’aujourd’hui. Dans les années 90, les Chapuisat, Henchoz et autre Geiger, faisaient équipe avec les Sforza, Grassi ou Türkyilmaz, issus, eux aussi de l’immigration. Ensuite, plus tard, les frères Yakin (Murat et Hakan) ont pris en main les rênes de la sélection avec les Barnetta, Cabanas ou Vonlanthen. Pour cet Euro, Petkovic a pourtant décidé de se passer du capitaine emblématique, Gokhan Inler, d’origine turque. Le milieu de terrain, qui fait banquette à Leicester, était la tête de pont de ce brassage réussi. Pour rester dans cette lignée, c’est Granit Xhaka, d’origine albanaise, qui a récupéré le brassard. Un numéro 10 technique, fin, qui « pue la classe » et qui vient de coûter plus de 30 millions d’Euros à Arsenal. La Suisse, c’est un exemple de « bien vivre ensemble » en crampons. Un modèle.