Prothèses mammaires: pas de retard au dépistage du cancer de sein
Près de 400 000 femmes en France sont porteuses de prothèses mammaires. Chaque année, quelque 54 000 Françaises apprennent qu’elles sont atteintes d’un cancer du sein. Parmi ces dernières, statistique oblige (même si ce mot paraît indécent dans ce contexte), figurent inévitablement des femmes porteuses de prothèses. Sont-elles dépistées plus tardivement ? Leurs tumeurs sont-elles plus grosses, différentes ? Comment vivent-elles cette découverte ? Bénéficientelles d’une prise en charge particulière? Pour la première fois, une étude a été conduite à Nice, destinée à répondre à ces questions. Elle était présentée par son auteur, le Dr Bernard Flipo, lors du dernier congrès Gynazur. « Nous avons mené une étude rétrospective, sur 36 patientes ayant été traitées pour un cancer du sein et qui avaient bénéficié antérieurement d’une augmentation Ces femmes ont pu bénéficier de traitements locorégionaux.
mammaire par prothèse, quelle que soit l’indication. » Première observation: la taille moyenne des tumeurs diagnostiquées n’est pas supérieure à celle des tumeurs mises en évidence dans la population générale. «Ilya dix ans encore, on craignait que le port de prothèse – même si celle-ci est placée derrière la glande mammaire –, ne constitue un obstacle pour l’examen clinique et radiologique, affectant ainsi le dépistage précoce. On confirme que ce n’est pas le cas, qu’il n’y a pas de retard au diagnostic et les tumeurs ne sont pas plus grosses, au contraire, ni plus agressives. » L’attention particulière que portent les femmes porteuses de prothèses à leurs seins, mais aussi le suivi médical plus régulier dont elles bénéficient ne sont certainement pas étrangers à ces résultats.
Des femmes plus jeunes
Intervient également, selon le Dr Flipo, l’expertise des radiologues qui exercent dans notre région, où les femmes porteuses de prothèses sont particulièrement nombreuses. Concernant la prise en charge, dans la grande majorité des cas, « les femmes ont pu bénéficier de traitements locorégionaux, radio-chirurgicaux qui ont permis de concilier l’indispensable sécurité et le souci de la féminité. » Dernier résultat plus étonnant qui n’a pas encore trouvé d’explication: l’âge de ces femmes. « Il est de 9 ans inférieur à l’âge moyen au diagnostic répertorié par l’INCA », s’étonne le Dr Flipo. Surdiagnostic de tumeurs qui auraient spontanément régressé? La question reste ouverte. Mais l’information la plus surprenante fournie par cette étude n’est pas médicale. « Alors que les patientes concernées sont des femmes qui avaient beaucoup investi dans leur image corporelle, la survenue d’un cancer du sein n’a pas produit les effets que l’on aurait pu attendre. » Après le « coup de tonnerre », elles semblent avoir étonnement accepté la situation, avec somme toute un impact modéré sur leur vie sociale, intime, leur couple…
«Une philosophie inattendue.»
Dr Bernard Flipo
« Elles se sont approprié cette épreuve avec une philosophie inattendue », résume le Dr Flipo. Explication possible: inquiétées par les rumeurs, ces femmes, craignaient-elles plus ou moins consciemment, d’« échapper » au dépistage précoce? La survenue de la maladie, prise et traitée à temps, sonnant alors comme une réassurance.
NANCY CATTAN