Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Quand un chirurgien varois part au bloc pour le Bénin

Amenant des containers de matériel, le docteur Avallone participe régulièrem­ent à des missions humanitair­es. Et aide, à sa mesure, ceux qui seraient prêts à tout quitter pour le rêve européen

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Ils n’ont rien là-bas. Ils démarrent la chirurgie comme nous au début du siècle dernier.» Il n’y a pas une once de paternalis­me dans la voix du docteur Salvatore Avallone, costume de couleur et barbe fine taillée au cordeau. Juste le témoignage d’un chirurgien qui, depuis cinq ans, sillonne les routes et pistes défoncées d’Afrique. C’est au Bénin qu’il mène, avec plusieurs associatio­ns des missions régulières – essentiell­ement pour soigner des enfants. Le Bénin est un pays stable, «une véritable démocratie», entourée de nations livrées à la fureur de groupes terroriste­s. Malgré la stabilité institutio­nnelle, «les hôpitaux sont dans un état pitoyable. On aide des petites structures privées, car on arrive mieux à avoir un regard et un suivi», situe le chirurgien installé à La Seyne. En avril dernier, le docteur Avallone a quitté son bureau de la clinique du Cap d’Or pour opérer dans des dispensair­es béninois – comme il le fait tous les trois ou quatre mois. «Le bloc opératoire est comme ceux qu’on avait il y a quarante ans, avec de la faïence aux murs, décrit-il devant une photo. C’est plutôt propre, mais la stérilisat­ion est sommaire. » Avant de débuter la moindre opération, «il faut tout acheter: fil, compresses, gants, désinfecta­nt ». Bref, monter un plateau technique, réduit, mais complet. «En Occident, on est arrivé au jetable. Là-bas, ils restérilis­ent le jetable. »

Médecin à l’ancienne

Spécialist­e de la chirurgie digestive, le chirurgien cite une opération achevée à la lampe frontale, « car l’éclairage était tombé en panne». Cela ne se passait pas en pleine brousse, mais à Cotonou, la capitale économique du pays. Né en Italie, Salvatore Avallone a ouvert les yeux sur l’Afrique alors qu’il était en procédure d’adoption de son premier enfant. «À ce moment-là, on a vu beaucoup de malheurs. » Lui et sa femme infirmière ont été très marqués par des petits à Djibouti, qui «mourraient de paludisme à moins de deux ans, alors qu’ils auraient pu être sauvés avec des antibiotiq­ues». Il a éprouvé « le besoin intérieur d’amener une petite aide». Les médecins dont il a croisé la route au Bénin sont «des généralist­es qui ont une très bonne expertise au niveau clinique». Ils s’appellent Dr Nora, Dr Pierre, Dr Mensah. Des médecins tout terrain, «à l’ancienne», mais qui se heurtent aux réalités locales. Et au manque de moyens. «L’examen précoce du VIH permet un traitement qui fait presque disparaîtr­e la maladie» ,illustre Salvatore Avallone. Mais ce test pour les nourrisson­s est très onéreux. Il équivaut à « un mois de travail d’un paysan». Plus récemment, c’est la tragédie des migrants qui l’interpelle. «Les gens qui arrivent en Europe, ce n’est qu’une petite partie des migrants, commente Salvatore Avallone. Les autres se perdent en route, restent dans les campements, les bidonville­s». Nigeria, Burkina Faso, Niger. Les pays frontalier­s du Bénin sont déchirés par les attaques terroriste­s et les exactions sur les population­s civiles. Le chirurgien a l’idée qu’en soignant là-bas, en formant des médecins et des infirmiers, en aidant les orphelinat­s, il contribue, à sa mesure, à aider les gens à vivre. Et à rester. «On essaie de les convaincre que ce n’est pas une bonne décision de donner leur argent aux passeurs. » Cette lutte, il le sait, est inégale, car «ils ont l’idée que l’Europe est un Eldorado. Qu’ici, tout le monde est riche». Quand il est sur place, le chirurgien dort chez l’habitant, le plus discrèteme­nt possible. « On évite les hôtels, les restaurant­s, on n’est jamais sûr de rien.» Sur place, dans de modestes locaux, les collègues béninois utilisent une couveuse, un échographe, un respirateu­r pour bloc opératoire… Du matériel médical donné par l’hôpital Sainte-Musse de Toulon (au moment de son déménageme­nt), ou par la clinique du Cap d’Or à La Seyne. Du matériel réformé, mais tout à fait fonctionne­l. Depuis cinq ans, cette chaîne de solidarité permet de soigner. Avec humanité.

SONIA BONNIN sbonnin@varmatin.com

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(Photos DR)

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