Var-Matin (La Seyne / Sanary)

France - Suisse : garder la tête du groupe

En 1884, la station devait prendre le nom du fils de la reine Victoria, le duc d'Albany. Mais celui-ci est mort prématurém­ent, après une nuit de fête et une glissade sur un quai de la Croisette

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La reine Victoria a eu neuf enfants. Le plus célèbre fut Édouard VII, roi d'Angleterre. Ce n'est pourtant pas celui-ci qui nous intéresse aujourd'hui - bien qu'il fût l'un des hôtes les plus assidus de Cannes - mais son frère cadet Léopold, duc d'Albany. Celui-ci a également marqué la vie de la Côte d'Azur et surtout il a été sur le point de donner son nom à la station de Juan-les-Pins. En effet, elle a failli s'appeler «Albany-les-Pins». Léopold naît à Londres en 1853. Souffrant d'hémophilie, il doit abandonner la carrière militaire et reçoit un titre qui est créé pour lui, celui de duc d'Albany - Albany est, en l'occurrence une région d’Écosse dont les villes de Perth et d'Inverness font partie. En raison de sa maladie, ce n'est point vers l’Écosse que les médecins le dirigent mais vers une région ensoleillé­e que l'on connaît déjà en Angleterre : la Côte d'Azur. Au début du siècle, certains Anglais ont établi leur promenade à Nice, un autre, Lord Brougham, a lancé la cité de Cannes. C'est justement chez un ami de ce Lord, l'homme politique Sir Temple Leader, que le jeune Léopold est envoyé à Cannes à l'âge de 8 ans afin de se soigner. Enfant, il prend goût à la ville, à sa douceur hivernale, à ses paysages maritimes. Au début des années 1870, le voilà dans la villa Victoria, au 7 de l'actuelle avenue du Docteur Picaud, chez Sir Thomas Woolfield, promoteur anglais qui l'initie au nouveau jeu qu'il vient d'importer en France : le croquet. C'est lors d'un de ses séjours vers 1880 que le duc d'Albany, alors âgé de 27 ans, découvre la belle pinède ourlée de sable chaud qui s'étend entre Antibes et le port de Golfe-Juan. Ce lieu est inhabité. On s'y laisse réchauffer par le soleil d'hiver et bercer par le bruit des vagues.

Il investit dans les terrains du bord de mer

Apprenant qu'une Société Foncière du Littoral a été créée à Cannes en 1881 par la banque Rigal dans le but de créer une station balnéaire à cet endroit, le duc d'Albany décide d'entrer dans le capital de cette société. Il s'y retrouve aux côtés de Claude Vidal, futur maire d'Antibes. La Foncière du Littoral rachète tous les terrains en bord de mer, dont celui de trente hectares du château de la Pinède, appartenan­t à la descendant­e du général d'empire antibois Emond d'Esclevin. Une nouvelle station maritime s'apprête à naître lorsque - patatras ! - en 1884, la banque Rigal fait faillite. Un liquidateu­r judiciaire est nommé. Il doit vendre tous les hectares détenus par la banque. Le duc d'Albany se propose de mettre la main à la poche. Il va devenir propriétai­re majoritair­e de la station. Afin d'assurer sa promotion, Claude Vidal qui, entre temps est devenu maire d'Antibes, décide de donner un nom à cette station. En mars 1884, il réunit donc son conseil municipal. Parmi les propositio­ns figurent « Antibesles-Bains », « Antibes-les-Pins », « Héliopolis », aux références antiques, et « Juan-les-Pins » .Ce dernier nom fait référence à celui du port voisin, Golfe-Juan - dont l'appellatio­n serait venue, elle, de la déformatio­n du nom d'un lointain pêcheur local, un certain Jean. Rien à voir, donc, avec l'Espagne - même si, par la suite, les Don Juan seraient nombreux en ce coin de la Côte d'Azur ! Lorsqu'on apprend que le duc d'Albany va devenir le principal propriétai­re du lieu, les discussion­s s'arrêtent au conseil municipal. Un nom s'impose alors: celuimême du duc d'Albany. La station s'appellera donc « Albany-lesPins ». Tout le monde est d'accord. Le nom sonne bien et le personnage qui se cache derrière saura le faire rayonner dans toute l'Europe. Si l'on en croit Stephen Liégeard, auteur du célèbre livre «La Côte d'Azur », le duc d'Albany devait signer ses nouveaux titres de propriété le 29 ou le 30 mars 1884.

 ?? (© DR) (© DR) (© DR) (© DR) ?? Le ténébreux Léopold, duc d'Albany, séjourna à plusieurs reprises à Cannes pour essayer de soigner son hémophilie. C'est là qu'il mourut en , à l'âge de  ans. La reine Victoria vint à deux reprises à Cannes, en  et , afin de se recueillir sur le lieu du décès de son fils. Le  mars , des funéraille­s sont organisées à Cannes avant le rapatrieme­nt en Angleterre du corps du duc d'Albany. Juan-les-Pins au début du XXe siècle, station née de la volonté de la Société immobilièr­e créée avec la participat­ion du duc d'Albany.
(© DR) (© DR) (© DR) (© DR) Le ténébreux Léopold, duc d'Albany, séjourna à plusieurs reprises à Cannes pour essayer de soigner son hémophilie. C'est là qu'il mourut en , à l'âge de  ans. La reine Victoria vint à deux reprises à Cannes, en  et , afin de se recueillir sur le lieu du décès de son fils. Le  mars , des funéraille­s sont organisées à Cannes avant le rapatrieme­nt en Angleterre du corps du duc d'Albany. Juan-les-Pins au début du XXe siècle, station née de la volonté de la Société immobilièr­e créée avec la participat­ion du duc d'Albany.

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