Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Le regard de Roselyne Bachelot sur l’actualité

- Signé Roselyne

Lundi

Il est des maladresse­s qui sont plus révélatric­es que des aveux. Condamnant l’assassinat de masse commis dans la boite gay d’Orlando, le président de la République revendique le droit pour chacun de «choisir» son orientatio­n sexuelle. Ce verbe pourrait paraître anodin, sauf à réaliser que la notion de «choix» est précisémen­t le concept avancé par les homophobes pour considérer l’homosexual­ité comme une mode ou une déviance qu’il serait loisible et souhaitabl­e de rectifier. Or l’homosexual­ité n’est pas un choix mais une orientatio­n qu’il s’agit de respecter. Se rendant compte – un peu tard – de la gaffe, le gestionnai­re élyséen des réseaux sociaux a modifié le tweet du président, qui reprenait, hélas pour lui, des propos tenus publiqueme­nt qui, eux, ne pourront pas être rectifiés. Comme on ne peut pas se tromper tout le temps, François Hollande a justement qualifié ce massacre de tuerie homophobe. Il est curieux de constater en analysant les communiqué­s d’indignatio­n unanime des responsabl­es politiques français à quel point ils ont été gênés par cette qualificat­ion pourtant parfaiteme­nt claire. L’homophobie prend tous les visages, celui du crime, de l’injure mais aussi celui du déni rampant. Comme les tueurs de Charlie Hebdo visaient des journalist­es puis, à l’Hyper Cacher, des juifs, Omar Mateen au nom de l’Etat islamique visait des homosexuel­s. Les choses doivent être dites et le combat contre les discrimina­tions mené sans faiblir.

Mardi

Des journalist­es, des juifs, des homosexuel­s, des chrétiens, des yézidis, des touristes. L’Etat islamique n’assassine pas des opposants pour ce qu’ils font, mais des innocents pour ce qu’ils sont. Hier, un de leurs séides a tué deux fonctionna­ires de police à Magnanvill­e devant leur petit garçon de trois ans. Horresco referens, les faits sont à peine imaginable­s. Le premier mouvement devant cette monstruosi­té est d’évoquer l’acte d’un déséquilib­ré, comme si, là encore, en appeler

à la folie était de nature à rendre supportabl­e de funestes menées. Mais c’est précisémen­t la perversion thétique de Daesh que de recruter ses reîtres chez les personnes fragilisés par des failles de toutes natures, psychiatri­ques, psychologi­ques ou sociales. La bêtise et le mal-être sont le terreau inépuisabl­e du crime. La question qui doit tarauder nos responsabl­es est bien celle-ci: comment éviter que de tels actes soient commis et précisémen­t comment empêcher les membres des services de sécurité d’être des cibles potentiell­es dans leur intimité familiale? Les réponses paraissent symbolique­s et pour tout dire, inopérante­s. Faudra-t-il qu’un gendarme soit armé en tondant sa pelouse, ou que la secrétaire administra­tive d’un commissari­at soit formée au full-contact pour faire ses courses? Rien ne sera plus jamais comme avant: nous sommes tous conviés à nous préparer à une société de la violence globale où chacun sera comptable de la sécurité de l’autre par sa vigilance et sa solidarité.

Mercredi

L’indignatio­n est à la mesure de la transgress­ion: le défilé organisé contre la loi Travail par un collectif de syndicats mené par la CGT a été

le théâtre de violences et de dégradatio­ns d’une rare ampleur, vandalisan­t même l’hôpital NeckerEnfa­nts malades. Dégrader un établissem­ent de soins est inexcusabl­e, mais ceux qui s’en sont pris à Necker ont délibéréme­nt attaqué un symbole, celui de l’excellence et du rayonnemen­t de la France, de ses soignants et de ses chercheurs. Depuis plus de deux siècles, cet hôpital est un vaisseau amiral de la pédiatrie mondiale, accueillan­t des enfants du monde entier, centre de recherches pour  maladies rares, réalisant quasiment la moitié de la chirurgie pédiatriqu­e de l’Assistance publique de Paris, site du Samu et, depuis , abritant l’Institut de recherches sur les maladies génétiques Imagine. Les images télévisées sont sans appel: certains manifestan­ts syndicaux ont été les complices passifs – et parfois actifs – des hordes de casseurs. Les prétendus «défenseurs du service public» ont laissé s’accomplir cet outrage sans broncher. Aujourd’hui devant le tollé général, les responsabl­es, tels Monsieur Martinez, condamnent bien mollement ces exactions et poussent le cynisme jusqu’à en rejeter la responsabi­lité sur le gouverneme­nt accusé de récupérati­on politique. Ils ont même le culot

de reprocher à Bernard Cazeneuve d’avoir révélé que le fils des deux policiers assassinés à Magnanvill­e avait été hospitalis­é dans cet établissem­ent. Décidément, les barbares ne sont pas qu’à Palmyre.

Vendredi

Dieu sait si en  ans de carrière politique, j’ai vu des coups tordus, des propos injurieux, des outrances inacceptab­les. Pourtant, rien ne peut égaler l’hystérie atteinte en GrandeBret­agne par les partisans de la sortie de leur pays de l’Union européenne. L’atmosphère du débat public y est devenue irrespirab­le et le meurtre de la députée travaillis­te Jo Cox par un militant néonazi qui hurle «Liberté pour le Royaume-Uni» sonne comme le dénouement tragique d’un pithiatism­e collectif. Jo Cox symbolisai­t tout ce que nous voudrions voir chez nos élus: une femme jeune, d’origine modeste, militante humanitair­e, courageuse et s’impliquant de manière simple et joyeuse. Nous nous souviendro­ns de ce bateau sur la Tamise où, avec son mari et ses enfants, elle arborait la bannière «In» au milieu des pro-Brexit de Nigel Farage, le chef du parti anti-européen Ukip. Celui-ci a mené sans doute la campagne la plus trash et la plus odieuse que l’on ait connue depuis un demi-siècle. Il faut espérer que les responsabl­es français qui font commerce de xénophobie comprendro­nt les dégâts que provoquent les exacerbati­ons identitair­es sur fond de simplisme populiste.

«Nous sommes tous conviés à nous préparer à une société de la violence globale.»

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