Dans la gueule des Pumas
Des Bleus vraiment bleu, des Pumas aux griffes acérées depuis une saison : le XV de France, largement inexpérimenté, s’attaque à un défi colossal ce soir (23 h 10) à Tucuman face à l’Argentine, pour le premier test-match de sa tournée de juin. Cela ressemble à une mission impossible. Incapables de gagner à l’extérieur pendant le Tournoi des six nations avec leur équipe-type, les Français voudraient le faire avec un XV de départ qui, privé des demi-finalistes du Top 14, compte sept bizuths et affiche 4,3 sélections et 25,4 ans en moyenne par joueur ? Avec un « doyen » de 26 ans et aux 26 sélections (Slimani), un capitaine (Plisson) deux ans plus jeune et dépassant à peine les dix capes (11) et une deuxième ligne (Demotte-Le Devedec) néophyte ? Le tout sur la pelouse du demi-finaliste de la dernière Coupe du monde, dont les joueurs, avec la province des Jaguares, ont pu en Super Rugby parfaire des automatismes, déjà bien huilés, pendant une saison... Dernière touche pour assombrir un tableau aux airs de juin 2007, avec ces 103 points encaissés en deux matchs en Nouvelle-Zélande : le lieu, Tucuman. Certes, les Bleus y ont décroché leur dernière victoire de référence à l’extérieur (49-10, le 23 juin 2012), mais avec beaucoup moins de novices, lesquels pourraient être impressionnés par le petit chaudron de cette ville sans charme particulier, au plan en damier et aux rues poussiéreuses, située à une centaine de kilomètres à de la Cordillère des Andes. Une bouilloire sans doute encore davantage chauffée par l’engouement entourant les festivités du bicentenaire de l’indépendance de l’Argentine, proclamée le 9 juillet 1816 à Tucuman, que par le Congrès eucharistique national argentin, qui s’y tient ces jours-ci. Pour son premier voyage dans l’hémisphère Sud comme sélectionneur, trois mois après un Tournoi décevant, Guy Novès, au bout d’une saison éreintante et avec à peine dix jours de préparation, ne pouvait donc qu’éviter tout objectif de résultat à cette tournée bancale, a priori la dernière du genre.
« On va voir »
Réaliste et conforme à sa ligne de conduite depuis sa prise de fonction, en novembre, sur les cendres de la débâcle à la Coupe du monde, l’ancien cornac du Stade Toulousain entend plutôt « essayer d’évaluer le réservoir du rugby français ». Sur la pelouse, il s’agira « d’essayer d’être dans le droit fil de ce qu’on a mis en place dans le Tournoi », à savoir un rugby de mouvement, utilisant toute la largeur du terrain. Un jeu précisément inspiré de celui proposé pendant la Coupe du monde par les Pumas, nouveaux mètre étalon des Bleus et redoutés, dixit Novès, pour leur « vitesse d’exécution dans la continuité, pas seulement sur deux-trois actions ». « Cela peut surprendre certains joueurs qui manquent de repères au plus haut niveau. On va voir si on est capable, dès les cinq premières minutes, de répondre à ce rugby », a ajouté le sélectionneur. Sinon, attention aux dégâts.