Hollande, le piège de la primaire
«Qu’on le veuille ou non, la primaire force le président à ravaler sa fonction au rang de ses compétiteurs.»
Samedi, le conseil national du Parti socialiste a adopté, à l’unanimité, l’organisation d’une primaire les et janvier prochain. L’annonce du premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, est, sinon nouvelle, puisqu’il en avait déjà évoqué la possibilité, mais surprenante par la rapidité avec laquelle elle a été faite. Certes, la primaire était fortement réclamée, essentiellement, à l’intérieur du PS par les minoritaires, frondeurs et autres adversaires déclarés de la politique «réformiste» de François Hollande et de Manuel Valls. Mais enfin, jusqu’à la semaine dernière, la primaire à gauche était encore largement taboue, y compris à l’Elysée, où son organisation ne semblait pas faire un immense plaisir à François Hollande. D’autant que, en l’absence de Jean-Luc Mélenchon qui a dit par avance qu’il serait candidat sans passer par la case primaire, une telle consultation ne débouchera en aucun cas sur un candidat unique de la gauche. Mélenchon ne donnera sa place à personne. Pourquoi ce changement de pied? Et d’abord, qui pourra se porter officiellement candidat ? La consultation se bornera àceque Cambadélis a appelé la «gauche de gouvernement», c’est à dire qu’elle exclut le Front de gauche de Mélenchon, l’extrême gauche, tous groupuscules compris, de Poutou à Florence Arthaud, sans oublier les écolos de Cécile Duflot. Alors, une primaire sur mesure pour François Hollande? Pour le «relégitimer» en quelque sorte, au moment où il est contesté par une partie de sa majorité, et, encore plus, par les électeurs qui ont voté pour lui il y a quatre ans? Si c’est le cas, l’opération présente un vrai danger. Celui de mettre le président de la République en exercice au même niveau que les leaders socialistes qui le critiquent avec verdeur depuis plusieurs mois. En admettant que participent au débat d’anciens ministres débarqués du gouvernement en , comme Arnaud Montebourg ou Benoit Hamon, des élus comme la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann, dont l’envergure nationale n’est pas évidente, François Hollande aura sans doute l’occasion de se justifier sur les choix de sa politique, sur sa volonté réformatrice, sur ses échecs et ses réussites. Il aura même peut-être l’occasion de gagner la confrontation, mais à quel prix! Celui d’apparaître comme un parmi d’autres, alors qu’il exerce et doit continuer d’exercer, en France et à l’étranger, son rôle de président. Celui, qu’on le veuille ou non, de ravaler sa fonction au rang de ses compétiteurs. Les défis qui s’annoncent, sécurité, migrants, relance, sont immenses, comme ils le sont depuis le début du quinquennat. Face à cela, François Hollande souffre plutôt d’un déficit que d’un excès d’autorité. Est-ce cette confrontation publique, limitée aux socialistes et à leurs alliés, qui lui en donnera davantage dans l’immédiat? Ce sera sans doute le contraire: ses adversaires ne se priveront pas de démontrer qu’ils auraient, eux, beaucoup mieux fait. Oui, pour un président en exercice, la primaire ne va pas de soi.