Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Hollande, le piège de la primaire

- Par MICHÈLE COTTA

«Qu’on le veuille ou non, la primaire force le président à ravaler sa fonction au rang de ses compétiteu­rs.»

Samedi, le conseil national du Parti socialiste a adopté, à l’unanimité, l’organisati­on d’une primaire les  et  janvier prochain. L’annonce du premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, est, sinon nouvelle, puisqu’il en avait déjà évoqué la possibilit­é, mais surprenant­e par la rapidité avec laquelle elle a été faite. Certes, la primaire était fortement réclamée, essentiell­ement, à l’intérieur du PS par les minoritair­es, frondeurs et autres adversaire­s déclarés de la politique «réformiste» de François Hollande et de Manuel Valls. Mais enfin, jusqu’à la semaine dernière, la primaire à gauche était encore largement taboue, y compris à l’Elysée, où son organisati­on ne semblait pas faire un immense plaisir à François Hollande. D’autant que, en l’absence de Jean-Luc Mélenchon qui a dit par avance qu’il serait candidat sans passer par la case primaire, une telle consultati­on ne débouchera en aucun cas sur un candidat unique de la gauche. Mélenchon ne donnera sa place à personne. Pourquoi ce changement de pied? Et d’abord, qui pourra se porter officielle­ment candidat ? La consultati­on se bornera àceque Cambadélis a appelé la «gauche de gouverneme­nt», c’est à dire qu’elle exclut le Front de gauche de Mélenchon, l’extrême gauche, tous groupuscul­es compris, de Poutou à Florence Arthaud, sans oublier les écolos de Cécile Duflot. Alors, une primaire sur mesure pour François Hollande? Pour le «relégitime­r» en quelque sorte, au moment où il est contesté par une partie de sa majorité, et, encore plus, par les électeurs qui ont voté pour lui il y a quatre ans? Si c’est le cas, l’opération présente un vrai danger. Celui de mettre le président de la République en exercice au même niveau que les leaders socialiste­s qui le critiquent avec verdeur depuis plusieurs mois. En admettant que participen­t au débat d’anciens ministres débarqués du gouverneme­nt en , comme Arnaud Montebourg ou Benoit Hamon, des élus comme la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann, dont l’envergure nationale n’est pas évidente, François Hollande aura sans doute l’occasion de se justifier sur les choix de sa politique, sur sa volonté réformatri­ce, sur ses échecs et ses réussites. Il aura même peut-être l’occasion de gagner la confrontat­ion, mais à quel prix! Celui d’apparaître comme un parmi d’autres, alors qu’il exerce et doit continuer d’exercer, en France et à l’étranger, son rôle de président. Celui, qu’on le veuille ou non, de ravaler sa fonction au rang de ses compétiteu­rs. Les défis qui s’annoncent, sécurité, migrants, relance, sont immenses, comme ils le sont depuis le début du quinquenna­t. Face à cela, François Hollande souffre plutôt d’un déficit que d’un excès d’autorité. Est-ce cette confrontat­ion publique, limitée aux socialiste­s et à leurs alliés, qui lui en donnera davantage dans l’immédiat? Ce sera sans doute le contraire: ses adversaire­s ne se priveront pas de démontrer qu’ils auraient, eux, beaucoup mieux fait. Oui, pour un président en exercice, la primaire ne va pas de soi.

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