Var-Matin (La Seyne / Sanary)

SOS tortues

Suite à l’incendie qui a ravagé plus de 600 hectares, le Village des tortues de Gonfaron et le pays de la Provence verte recrutent habitants et touristes pour aider les tortues sauvages

- STEVE CLAUDE sclaude@nicematin.fr

Habitants et touristes ont répondu à l’appel du village des tortues et du pays de la Provence verte pour tenter de sauver les rescapées du feu.

Ils étaient une petite douzaine ce samedi matin devant la cave coopérativ­e de Correns à avoir abandonné la grasse matinée pour une randonnée spéciale, à la recherche des tortues blessées. Et plus particuliè­rement la tortue d’Hermann. Une espèce protégée vivant uniquement dans le sud de la France et à qui le grand incendie de Montfort-Correns a ravagé ces derniers jours l’habitat naturel. Mais contrairem­ent aux humains, pas de plan d’évacuation pour ces petites bêtes. Seules défenses face aux flammes : la carapate ou la carapace, à ceci près que la vitesse n’est pas leur fort, et leur armure bien trop légère. Pour faire l’inventaire des dégâts et venir en aide aux rescapées, le Village des tortues de Gonfaron et les responsabl­es environnem­ent du pays de la Provence verte ont décidé d’organiser des « battues » ouvertes à tous dans les zones sinistrées. Une façon de couvrir un maximum de terrain tout en sensibilis­ant touristes, promeneurs et habitants au respect de la nature et aux bons gestes pour la préservati­on des espèces.

On a marché sur la Lune

Pour ce deuxième jour de l’opération, direction le vallon des Canebières, sur les hauteurs de Correns. 8 h 30, tout le monde en voiture. Après quelques minutes à se frayer un chemin à travers les collines, le cortège s’arrête au sommet d’une petite crête. Devant, le vert des pinèdes laisse soudain place au noir et gris d’un paysage quasi lunaire entre arbres morts et épaisse couche de cendre (plus de trente centimètre­s par endroits). Histoire d’achever le tableau, une forte odeur de brûlé plane sur toute la zone. « C’est impression­nant… et ça pue! », résume plus simplement Alexis, 12 ans, venu avec son père. Le temps d’enfiler les gilets jaunes obligatoir­es, Dominique Rombaut (chargée de mission Natura 2 000(1) auprès du pays de la Provence verte) et Sébastien Caron (responsabl­e de conservati­on au Village des tortues) donnent les consignes. Puis la troupe se sépare pour une matinée d’exploratio­n. Tête baissée, chacun essaie tant bien que mal de se faufiler au milieu des branches, sur un terrain escarpé.

«On en a une!»

Mais après plus de deux heures de fouilles, toujours aucune trace de carapace à l’horizon. Quand Dominique reçoit un appel sur son portable : « On en a une, elle est vivante ! » Aussitôt, tout le monde se rassemble autour de la miraculée. C’est Alex, un habitant, qui l’a trouvée : « J’ai entendu des bruits de feuilles et en regardant vers un petit carré de broussaill­es épargnées par le feu, je l’ai vue qui marchait. Elle n’avait pas l’air blessée mais elle était noire de suie! ». Arrivé très vite, Sébastien prend le relais. Soulagemen­t, la tortue (une femelle d’au moins 30 ans) est indemne, « mais c’est une survivante! » explique-t-il en découvrant d’anciennes traces de brûlé sur le dos de l’animal, «certaineme­nt d’un autre incendie dont elle avait déjà réchappé ». Après ce premier examen, il installe la tortue dans une bassine, sort tout un attirail puis la mesure sous toutes les coutures, la pèse, note tout sur une fiche, prélève un échantillo­n de sang et trace une petite marque bien spécifique sur l’une des écailles de la carapace à l’aide d’une petite scie. « On fait ça pour chaque tortue vivante qu’on trouve, ça nous permet de la répertorie­r et de suivre l’évolution de la population dans la région.»

Assistants, pas sauveteurs

Vient enfin pour le petit cobaye le moment de la délivrance lorsque Sébastien la relâche dans un coin de verdure, à l’écart de la zone sinistrée. « On ne garde que les tortues gravement blessées pour les soigner au parc, précise Sébastien. On n’est pas tant des sauveurs que des assistants, on déplace simplement les tortues au vert, loin de la zone de feu. D’ailleurs, on rappelle bien aux gens que les garder nuit à leur survie ». Les carapaces sans vie, elles, sont ramassées et mises dans des sacs poubelle. 13 h, tout le monde regagne les voitures, sous la pluie. Bilan de l’opération : une seule « assistée ». Maigre butin, mais tous se sont consolés en se disant que personne n’a trouvé de carapace calcinée. Au total, en deux matinées, Dominique, Sébastien et tous les bénévoles auront aidé huit tortues, ramassées quatre carcasses et couvert une dizaine d’hectares, sur les plus de 600 ravagés par les flammes en début de semaine. « C’est toujours ça ! » lâche finalement Dominique, qui souhaite renouveler prochainem­ent l’opération sur un autre secteur. 1. Natura 2 000 est un réseau européen de sites naturels protégés pour la fragilité de la faune et de la flore. En France, le label compte 1 758 sites, dont le massif des Maures.

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(Photos Hélène Dos Santos) Avec trente centimètre­s de cendres par endroits et un terrain escarpé, les recherches progressen­t lentement, mais tout le monde reste attentif.
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