Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Trois héros à l’honneur dont un Varois

Franck, Gwenaël et Alexandre, un Varois, avaient tenté de barrer la route au terroriste, le soir du 14 juillet sur la Promenade des Anglais. Ils ont été récompensé­s par la médaille de la Ville

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Sa photo, en chemise bleu pâle, a fait le tour de tous les sites d’info, les télés et les journaux. Hier, Franck en avait mis une blanche pour être reçu dans le bureau du président de la métropole. Christian Estrosi discourt à côté de lui. L’homme est ému, ils sont tous émus. Dans quelques instants, il va recevoir, - et deux Niçois avec lui - la médaille de la ville. Franck, 49 ans, c’est le héros qu’on a d’abord cru mort, passé sous les roues du camion. C’est l’histoire dans l’histoire, celle qui fait du bien, à laquelle on se raccroche. Celle dont les Niçois parlent au café. « Vous êtes leur référence et leur fierté », glisse Christian Estrosi. Le père de famille hoche la tête, impression­né.

« Dans la légende de Nice »

Le soir du 14 juillet, il a risqué sa vie pour tenter de stopper le camion. Sur son scooter, il réussit à rattraper Mohamed Lahouaiej Bouhlel. Depuis le marchepied du 19 tonnes, il le frappe, à plusieurs reprises. L’autre aussi. Il s’accroche. Recommence. Puis les policiers commencent à tirer. « C’est en lisant votre interview dans NiceMatin que j’ai compris que j’étais ce soir-là à côté d’un héros », reprend Christian Estrosi en plantant le décor. « L’ombre totale » de cette nuit d’horreur, le chaos qu’on imagine brièvement éclairé par les phares des véhicules de secours et la police : « Vous vous retrouvez dans la légende de Nice. » Franck n’en demandait pas tant. Lui aime dire qu’il est « un mec normal. Pas un héros, un citoyen », avait-il lâché lors de sa première interview. « Réservé, pudique », décrivent ses proches. Fidèle en amitié comme au travail : depuis 30 ans, il arpente les pistes de l’aéroport et il supporte l’OGC Nice. Une amie glisse : « Il est déterminé. Il dit que si c’était à refaire, il ne referait pas, mais moi je sais que si. » Christian Estrosi poursuit : « Ilya dans cette société qu’on dit à la dérive, trois Niçois qui ont montré qu’il pouvait y avoir un avenir meilleur ».

« Pensez à ceux qui sont vivants »

À côté de Franck, Gwenaël, 26 ans. Et, à côté du maire Philippe Pradal, Alexandre, 31 ans. Alexandre, c’est « l’homme au vélo ». Celui qu’il avait enfourché pour rentrer chez lui après le feu d’artifice. Il l’a lâché pour courir derrière le camion et tenter s’accrocher à la portière. Sous les ors de la République, il regarde le plafond. « C’est difficile de s’endormir, difficile de ne pas se réveiller au milieu de la nuit. Pensez à ceux qui sont vivants après Meyerbeer », répète Christian Estrosi. Et ces paroles résonnent en lui qui ne sait plus comment se débarasser des images de mort. Au mémorial, une femme l’a reconnu et lui a murmuré qu’elle prierai pour les lui enlever. Il sait qu’il les verra toujours. Alexandre vient de se marier, sa femme est marocaine. Dès le 16 juillet, il a préféré reprendre le travail, pour ne pas penser. Grutier, il est parti du Var en 2011, où il a vécu à SaintMaxim­in et Néoules, pour travailler sur le chantier de l’Allianz Riviera. Il y restera. Un « petit déracineme­nt ». Mais il aime le coin, et la pêche. Au cap d’Antibes,à Monaco, il y va « deux à trois fois par semaine». Depuis le 14 juillet, il n’y est plus retourné. La pêche, ça laisse trop le temps de penser. Le feu d’artifice sur la Prom, il ne l’avait jamais vu. Dans son immeuble de Nice-ouest qui tourne le dos la mer, Alexandre avait l’habitude de n’entendre que les détonation­s. « Même d’être présenté comme modeste, ça m’embêterait. » Gwénaël a 26 ans. Il est livreur à Nice, la ville où il a grandi, où il est arrivé à 11 ans depuis la région parisienne. « Je suis quelqu’un de totalement banal. 26 ans. Livreur. J’ai pas d’autre pedigree. » Nice, c’est chez lui. Là où il sort. Comme tous les 14-Juillet. Faire la fête, comme une évidence. « Je suis quelqu’un qui aime bien faire la fête. » Ce soir-là, il la faisait, avec des amis, qu’il a laissés en plan pour courir à son tour derrière le camion, avant de se jeter sur un passant, le sauvant d’une balle perdue. Lui aussi a repris le travail le 16 juillet. « J’ai rien pu faire au final. J’ai fait ce que je pouvais faire avec mes petits moyens. » Pour la suite, il n’attend rien. En tout cas pas la légion d’honneur que Christian Estrosi leur a promis : « La République française saura vous remettre la récompense que vous méritez. »

AURORE MALVAL amalval@nicematin.fr

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(Photo Franck Fernandes) Gwenaël, Franck et Alexandre ont été reçus en mairie par Christian Estrosi et Philippe Pradal.

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