Les Anglais inquiets d’une armée européenne forte
Al’aube de nouveaux débats intenses sur une relance de la défense européenne, l’Otan et l’Union européenne (UE) ont déminé le terrain, hier, en assurant au Royaume-Uni, opposé à tout concept d’«armée européenne», que cette coopération renforcée ne se ferait pas au préjudice du lien transatlantique. « Il n’y a pas de contradiction entre une défense européenne forte et une Otan forte. En réalité les deux se renforcent l’un l’autre », a plaidé le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, au côté de la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini, lors d’une réunion de l’UE à Bratislava. Dix jours après un sommet de chefs d’État à 27 – sans le Royaume-Uni – ayant fixé la feuille de route de l’UE pour rebondir après le choc du Brexit, l’heure était ce mardi au lancement des travaux pratiques au niveau ministériel, à 28 cette fois, sur le dossier phare de la défense. Thème d’étude : comment renforcer dans l’Union la coopération et l’efficacité dans ce domaine ? Une seconde réunion dans le même format à la minovembre doit aboutir à des conclusions qui pourraient être soumises aux dirigeants des 28 dès décembre. Sans même qu’un tel projet soit sur la table, les Britanniques ont d’emblée réitéré, hier, leur opposition à « toute idée d’armée européenne », par la voix de leur ministre de la Défense Michael Fallon. «L’Otan doit rester la pierre angulaire de notre défense et de la défense de l’Europe », et une telle idée reviendrait à «saper» l’autorité de l’Alliance, a argumenté M. Fallon devant les caméras.
« Dix ans de retard sur les drones Américains »
À ceux qui pourraient voir dans la sortie du Royaume-Uni de l’UE une opportunité pour progresser sans les Britanniques sur ce sujet, il a aussi averti: « Il n’y a pas de majorité ici en faveur d’une armée européenne, il y a un certain nombre d’autres pays qui, comme nous, pensent que cela empiéterait sur la souveraineté des États nations». Mais là n’est pas la question, a dû rectifier Federica Mogherini. Elle a tenu à amadouer Londres, en affichant sa réticence sur l’usage éventuel – suggéré par Paris et Berlin – d’un dispositif institutionnel qui permettrait d’avancer à 27 voire moins, sans accord unanime, sur la défense. En matière de coopération industrielle, les 28 peuvent aussi faire beaucoup mieux. Dans le développement de drones, les Européens sont « au moins dix ans derrière les États-Unis», relevait récemment Michel Barnier, conseiller pour les affaires de défense et de sécurité du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker. Parmi les priorités identifiées, notamment dans des propositions formulées conjointement par Paris et Berlin, figure la capacité à déployer plus rapidement les missions civiles et militaires. L’UE en mène actuellement 17 à travers le monde, dont six militaires.