Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Camille Juan matador au grand coeur

Il voulait être le fer de lance de la tauromachi­e à Fréjus… Mais c’est dans le Gard, où il vit désormais, qu’il va défier six toros, samedi, au bénéfice de l’associatio­n Courir avec Sarah

- VÉRONIQUE GEORGES vgeorges@nicematin.fr

Le regard est franc, le sourire aussi. Camille Juan, bientôt 34 ans, sera, ce samedi 1er octobre à Vauvert, le quatrième matador français à affronter seul six toros lors d’une corrida pour la bonne cause (1). Les bénéfices de l’événement seront reversés à l’associatio­n Courir avec Sarah (2), dans laquelle il s’implique. Le Nîmois a l’habitude de prendre des coups et de se relever. En 2006, il s’était installé à Fréjus. « C’est une belle arène, qui n’a jamais eu “son” torero. Toutes les figuras, El Cordobès, Rincon, Aparicio, Conde, Bautista… y sont venues. J’ai voulu y prendre l’alternativ­e. J’avais été reçu par les membres du club taurin, ravis de m’accueillir ». S’entraînant sur la plage de SaintAygul­f et à la Base nature, il avait été reconnu par Bruno Labrit, un aficionado : « Je lui ai proposé de s’entraîner chez moi à Roquebrune­sur-Argens. Il y faisait ses gammes, avec le chariot de cornes ». D’autres personnes, comme le Dr Derbuel, à qui Gil Belmonte, blessé d’un coup de corne sur le sable varois en 1998, doit une fière chandelle, le suivaient avec intérêt. En mairie, on l’avait rassuré sur la pérennité de la tauromachi­e dans la ville. « Un élu m’avait dit que les arènes devaient fermer deux ans pour des travaux de rénovation. Le maire promettait de ne pas supprimer la corrida. Je croyais ce qu’ils disaient». Pourtant, l’amphithéât­re romain restauré n’a plus jamais accueilli de corrida. Pas d’alternativ­e donc à Fréjus. C’est à Saint-Gilles, dans le Gard, qu’elle a eu lieu en 2009. « Une corrida sérieuse. Les empresas de l’époque m’ont mis dans les meilleures conditions. Après, un autre combat commence pour décrocher des contrats ». Grâce à René-Philippe Arnéodo, un aficionado est-varois, Camille Juan a ensuite toréé à Madrid, Mexico… Quand il se fixe un but, il va jusqu’au bout. « La tauromachi­e n’est pas mon milieu d’origine. Je

l’ai découvert avec un copain du collège», se souvient-il. «Lors d’une fête votive à Caissargue­s, j’ai réussi ma première passe. Le virus m’a piqué, je me suis inscrit à l’école taurine de Nîmes ». Vingt ans plus tard, après avoir revêtu l’habit de lumière à Santa Ana (Espagne), il sortait par la grande porte des arènes nîmoises, au terme d’une novillada sans picador. Ses modèles sont « ceux qui m’ont entraîné : Denis Loré, Stéphane Meca, Richard Milian ». Il admire aussi « Padilla pour son incroyable courage, Ferrera, Manzanares, Sébastien Castella, un exemple de volonté, et José Tomas, un torero à part». Camille Juan veut se hisser au meilleur niveau dans une discipline exigeante lorsque l’on vise les premières places. « J’aime l’hygiène de vie, les efforts, les sacrifices que cela suppose. C’est une passion dévorante, une quête de l’inaccessib­le. Elle donne un sens à tout ce que l’on fait au quotidien». Face à six toros de deux élevages français (Fernay et Gallon), il veut aussi relever ce défi pour luimême. « Il n’a pas eu de contrat depuis deux ans. Avec cette corrida, il peut relancer sa carrière. Il s’est entraîné tout l’été par 35°. Il est affûté pour cet encerrado (3) », confie l’un de ses soutiens.

Un événement populaire

L’ancien matador José Manrubia l’a pris sous son aile et le défend contre les critiques dans le milieu tauromachi­que. Et pour cause, Camille Juan tient à faire de l’événement, un rendez-vous accessible à tous : « Avec José, explique-t-il, on voulait que ce soit une corrida populaire. On a fixé la participat­ion à un euro. On m’accuse de dévaluer la corrida. Mais ce n’est pas le prix des billets qui lui donne de la valeur». Son honnêteté et son jusqu’auboutisme ne lui valent pas que des amis. Mais il a trouvé, avec ses proches, des mécènes pour organiser cette corrida qui lui tient à coeur pour une autre raison. Éducateur spécialisé dans la protection de l’enfance, Camille Juan est l’un des relayeurs accompagna­nt Sarah Carreau, une adolescent­e polyhandic­apée de naissance, passionnée de course à pied. «Il nous a rejoint cette année, a fait deux courses avec nous. Il ne ménage pas ses efforts. Pousser le fauteuil de Sarah l’a beaucoup ému. Son geste, c’est de la générosité pure », confie Philippe Binetruy, fondateur de l’associatio­n. L’initiative dérange, Camille assume: « La profession m’attend au tournant, mais moi, je me sens prêt, assure-t-il. J’en ai rêvé et je m’en suis donné les moyens. Beaucoup pensent que c’est le chant du cygne. On verra si ça passe ou ça casse. J’ai déjà réussi à l’organiser. Après, triomphe ou pas ? On le saura le 1er octobre au soir. Je suis serein».

Fréjus est une belle arène qui n’a jamais eu « son » torero”

1. Billetteri­e sur place, renseignem­ents sur corrazonyt­oros@gmail.com 2. www.couriravec­sarah.com 3. Signifie guet-apens, en tauromachi­e.

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(Photo Laure Crespy)

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