La Syrie refroidit les relations entre Moscou et Paris
Poutine a annulé, hier, sa visite prévue le 19 octobre organisée sur le thème de l’amitié franco-russe. Il rencontrera Hollande quand celui-ci “se sentira à l’aise”
Les tensions diplomatiques entre la France et la Russie liées à leurs divergences sur la Syrie ont culminé, hier, avec l’annulation par Vladimir Poutine d’une visite prévue de longue date à Paris, sur fond de raids aériens intensifs de l’avion russe sur Alep. Après plusieurs jours d’hésitations à propos de cette visite, l’Elysée a « fait savoir mardi [lire hier, ndlr] qu’une réunion de travail avec le président russe était possible sur la Syrie, à l’exclusion de tout autre événement » officiel pour François Hollande. Vladimir Poutine a décidé d’annuler ce déplacement prévu pour le 19 octobre, mais reste « disposé à se rendre en visite à Paris lorsque le président Hollande se sentira à l’aise » pour le rencontrer, a déclaré à Moscou le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov. Cette annulation sans précédent à un tel niveau d’avancement des préparatifs est un « geste grave » qui s’inscrit dans le cadre des tensions croissantes entre la Russie et l’Occident, a commenté l’analyste russe Fiodor Loukianov pour lequel la situation globale rappelle l’époque de la Guerre froide. Ce raté diplomatique intervient à un moment où, après une accalmie relative ce week-end, des avions russes ont de nouveau procédé à d’intenses bombardements sur des quartiers rebelles d’Alep, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). L’armée syrienne a déclenché le 22 septembre une offensive d’envergure sur la deuxième ville de Syrie dans l’espoir de reconquérir les quartiers contrôlés par la rébellion depuis 2012 et assiégés depuis plusieurs mois. « Les principales victimes sont les populations civiles, celles qui vivent sous les bombardements, meurent sous les bombardements », a déploré, hier, François Hollande devant l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe à Strasbourg. Le président français a assuré qu’il restait prêt « à tout moment » à rencontrer son homologue russe pour « faire avancer la cause de la paix, faire cesser les bombardements et proclamer la trêve ».
« Désaccord majeur »
Prévue de longue date, la visite à Paris de Vladimir Poutine était destinée à l’origine à inaugurer un « centre spirituel et culturel orthodoxe russe », qui abrite notamment une grande cathédrale aux bulbes dorés, en plein coeur de la capitale française. La visite du 19 octobre intervenait dans un « contexte délicat » et « le symbole pour l’Elysée risquait d’être explosif » à un moment où les forces de Damas et leur allié russe noient la ville d’Alep sous un déluge de bombes, a relevé Thomas Gomart, directeur de l’Institut français des relations internationales (IFRI). Pour lui, son annulation est « l’aboutissement d’une divergence qui va en s’accentuant » depuis quelques mois entre les deux pays. Le président français a luimême évoqué, hier, le « désaccord majeur sur la Syrie », qui s’est matérialisé quand la Russie a mis son veto, samedi soir, à une résolution française appelant à la fin des raids du régime syrien et de son allié russe sur Alep. Une contre-proposition russe réclamant la cessation des hostilités, mais sans évoquer ces bombardements meurtriers, a également été rejetée à une large majorité.