Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Alain Prost au Castellet : histoire de victoires

Vainqueur puissance 4 sur le circuit Paul-Ricard entre 1983 et 1990, le « professeur » se réjouit de la prochaine renaissanc­e du Grand Prix de France de Formule 1 en terre varoise

- PROPOS RECUEILLIS PAR GIL LÉON gleon@nicematin.fr

En déplacemen­t à Dubai, lundi dernier, il n’a pas pu honorer de sa présence la conférence parisienne ayant scellé le retour du Grand Prix de France de Formule 1 au circuit Paul-Ricard. «En revanche, comptez sur moi pour suivre de près ce nouveau départ. Dans un an et demi, lorsque la course s’élancera, je ne serai pas en pole position… mais pas loin. » Au bout du fil, la voix d’Alain Prost ne monte pas en zone rouge. Mais ses mots reflètent d’emblée l’enthousias­me du quadruple champion du monde. Un «professeur» ravi de voir ce projet, repris en main par la Région Paca et les collectivi­tés territoria­les partenaire­s, aboutir, enfin, à la renaissanc­e de la manche tricolore en terre varoise. Là même où celui-ci avait fait retentir La Marseillai­se à quatre reprises, il y a plus d’un quart de siècle…

Alain, un petit voyage dans le temps en préambule : quelle image forte gardez-vous du dernier Grand Prix de France disputé sur le circuit Paul-Ricard le 8 juillet 1990 ?

Gagner cette course, c’était toujours un frisson spécial. J’ai donc en mémoire des souvenirs magnifique­s de chacune de mes victoires au Grand Prix de France [une à Dijon, quatre au Castellet, une à Magny-Cours, Ndlr] .Là, il s’agissait de la 42e pour moi, mais aussi de la 100e de Ferrari en F. Bien sûr, je retiens surtout la bagarre insolite contre la March d’Ivan Capelli, finalement dépassée trois tours avant l’arrivée. Un scénario fertile en rebondisse­ments, difficile à imaginer avant le départ, qui avait offert pas mal de suspense.

Après une négociatio­n menée très discrèteme­nt, l’annonce du retour du Grand Prix de France dans le Var a surpris beaucoup de monde. Et vous ?

J’étais au courant. Enfin, je savais que les discussion­s continuaie­nt. Mais cette fois, je ne figurais pas dans la boucle, comme on dit. En clair, je n’ai pas participé. Je n’y suis pour rien ! On ne m’a pas vu etiln’yapaseude médiatisat­ion. Cette absence de bruit, de remous, c’était sans doute une condition essentiell­e pour que le dossier aboutisse.

Quels autres facteurs ont favorisé cet accord, selon vous ?

Je pense que la manière employée et la volonté affichée ont beaucoup compté. D’abord, ce n’est pas un projet politique. Apparemmen­t, à Paris, dans les hautes sphères du gouverneme­nt, personne, ou presque, n’était informé. Moi, je le vois plutôt comme un projet d’entreprise élaboré sérieuseme­nt. Il fallait un leader fort. Le président Christian Estrosi a su fédérer toutes les autorités territoria­les autour de la Région Paca. Je le félicite. Localement, il y aura des retombées conséquent­es. Et le nouveau départ de cet événement majeur va aussi profiter à l’ensemble du pays en termes d’image.

Vous vous étiez impliqué personnell­ement dans la précédente tentative inaboutie. En 2012, il avait manqué quoi ? Problème financier ou politique ?

C’est très simple. Il y a quatre ans, les collectivi­tés n’étaient pas du même bord. Pas d’entente. Union impossible. Donc le GIP (Groupement d’intérêt public) faisant office de promoteur n’avait pas la puissance financière indispensa­ble, ne pouvait pas prendre le risque de s’engager.

Justement, là, le coût d’organisati­on s’élevant à 30 millions d’euros, le risque est-il important ?

Non, pour l’économie locale, il est limité. Bien sûr, il y a un investisse­ment. Mais quand on dit qu’un euro dépensé va en rapporter quatre ou cinq, c’est la vérité, je pense. Surtout que d’autres développem­ents sont prévus. De quoi créer des emplois, renforcer la filière industriel­le autour de l’automobile et de la mobilité durable.

Voir le Grand Prix de France redémarrer ainsi au moment où son voisin allemand vient d’être rayé de la carte, ça vous étonne ?

En ce qui concerne l’Allemagne, c’est assez surprenant, en effet. Depuis la fin de ma carrière de pilote en F, de  à , Schumacher, Vettel et Rosberg ont gagné à eux trois  titres mondiaux. Côté constructe­urs, Mercedes règne aujourd’hui sans partage. En revanche, la renaissanc­e du GP de France découle d’une certaine logique, puisque ce retour sous la forme d’un projet régional a été piloté adroitemen­t. Au Castellet, il y a le circuit, l’aéroport, la capacité d’accueil nécessaire. Il manquait juste un dossier qui tienne la route…

Le Paul-Ricard a-t-il besoin de beaucoup d’aménagemen­ts ?

Lors de sa réfection, au virage de l’an , il a été transformé en piste d’essais. Donc il va falloir modifier certaines choses. En premier lieu, installer des tribunes éphémères et des espaces pour les   à   fans attendus. Côté tracé, je me rappelle qu’on avait envisagé quelques évolutions, en , dans le but de rendre le spectacle plus attractif, pour les gens sur place mais aussi pour les télés diffusant les images dans le monde entier.

Apparemmen­t, les F en découdront à nouveau sur le grand circuit. Une bonne idée ?

Chaque tracé possède son caractère. Au début des années quatre-vingts, le « long » (, km) représenta­it un vrai challenge, compte tenu du moteur turbo, parce qu’il fallait rouler avec peu d’appuis aérodynami­ques pour la ligne droite. Ensuite, on a couru sur le « . ». Différent mais assez intéressan­t aussi avec, en particulie­r, ce premier freinage très chaud.

Je n’y suis pour rien ! ”

Maintenant, il ne manque qu’un pilote français capable de gagner des courses, non ?

En 2017, ils seront deux en action [Romain Grosjean et Esteban Ocon, Ndlr], peut-être trois si Pierre Gasly finit par obtenir le volant qu’il mérite. Je leur souhaite évidemment le meilleur dans le futur, à domicile et ailleurs.

Le risque est limité ”

Pour conclure, pensez-vous que l’écurie Renault sera en mesure de viser le podium lors du Grand Prix de France 2018 ?

Pas impossible ! À mon avis, ça dépendra des progrès accomplis l’an prochain. Comment cette équipe en cours de reconstruc­tion va-t-elle négocier la nouvelle réglementa­tion technique bientôt en vigueur ? Seules certitudes : la route est longue et les écuries qui se bagarrent aujourd’hui aux avant-postes sont très fortes.

 ?? (Photo d’archives Eric Estrade) ?? Alain Prost (ici avec Romain Grosjean) sur un circuit varois qui a enrichi sa légende.
(Photo d’archives Eric Estrade) Alain Prost (ici avec Romain Grosjean) sur un circuit varois qui a enrichi sa légende.

Newspapers in French

Newspapers from France