Signé Roselyne
Lundi
Les Français ont déjà oublié François Hollande, même si les amis qui lui restent jettent, par politesse, une fleur sur son cercueil politique. Son allocution d’abandon, au-delà de la commisération qu’elle pouvait susciter, montre qu’il n’a rien compris à ce qui lui était arrivé. L’analyse de ce qui est – à juste titre – présenté comme une de ses réussites, le mariage ouvert aux couples homosexuels, est à cet égard éclairante. Le président s’est d’abord refusé à expliquer au fond sa démarche, comme s’il adhérait du bout des lèvres à la réforme. Il a ensuite choisi pour la défendre au Parlement Christiane Taubira, personnalité coruscante mais clivante, au lieu d’apaiser le débat avec un ministre plus technique et moins flamboyant. L’affaire n’avait pas été étudiée au fond par le PS durant sa décennie d’opposition, laissant des difficultés techniques et éthiques, telle la PMA, non résolues. La tactique d’évitement chère à Hollande s’est alors retournée contre lui, les opposants et les militants s’unissant pour condamner sa pusillanimité. Cerise sur le gâteau, devant les maires réunis en congrès, il a ouvert la porte à une possible « clause de conscience » des édiles réticents à prononcer de tels mariages, pour rétropédaler dès le lendemain devant les militants pro-mariage gay. Tout ce qui a plombé François Hollande est là : incompréhension du pays profond, absence de conviction, incapacité à expliquer, erreurs de casting, évitements, approximations juridiques, zigzags incessants. Voilà comment on met des millions de Français dans les rues contre une réforme juste qui aurait dû nous unir au lieu de nous diviser.
Mardi
Bernard Cazeneuve sera l’éphémère troisième Premier ministre de ce quinquennat. Nulle ambition présidentielle, du moins pour l’instant, chez cet homme élégant et secret. Faut-il que la situation soit délicate pour que la gauche salue son arrivée à Matignon ! Pro-nucléaire convaincu, l’ancien maire de Cherbourg professe un discret mépris pour ses camarades. Il est d’ailleurs un des rares responsables socialistes à connaître les réalités de l’entreprise. Il a commencé sa carrière politique en en étant parachuté dans la Manche pour mettre au pas
les socialistes locaux, minés par les querelles internes. En , ce fabiusien milite pour le non au référendum sur le Traité européen, ce qui ne l’empêchera pas de devenir en pour quelques mois ministre des Affaires européennes et de défendre le traité budgétaire européen, ce qui fait preuve d’une belle plasticité de convictions. Pour entraîner les parlementaires PS réticents, il les recevra alors un à un et emportera ainsi leur adhésion. C’est toute la « méthode Cazeneuve » : pas de coups de menton style Valls, mais un travail méticuleux qui ne laisse aucune poussière dans les coins. Il me confia un jour que le problème en politique c’est qu’à droite, il y a des fous, et à gauche, il y a des cons… Nul doute que l’homme ne soit outillé pour parler aux uns et aux autres.
Mercredi
Premier Conseil des ministres du gouvernement Cazeneuve. Bruno Le Roux, le nouveau ministre de l’Intérieur, a l’air pénétré de l’homme écrasé de responsabilités, mais l’oeil frétille sur le mode « Youpi, j’y suis arrivé ! ». Il faut souhaiter que ses copains lui aient fait graver des cartes de visite « Bruno Le Roux, ancien ministre », car elles risquent de lui servir longtemps. Non loin de lui, Stéphane Le Foll doit se souvenir que dans
un de ses coups de fatigue dont il est coutumier, il l’avait baptisé « Bruno le relou »… Ils ne sont que trois sur le perron de l’Elysée à occuper le poste ministériel qu’on leur avait attribué au début du quinquennat, deux ont changé d’attribution et ont disparu de la photo. Empailler les ministres comme autant de trophées est devenu le jeu mortifère des présidents de la République quand les rênes du pouvoir leur échappent. En ans, ministres de l’Écologie, de l’Intérieur ou des Affaires européennes, et j’en passe ! Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac ont procédé au même jeu de massacre. Cette tournante pathétique fait de la France la risée de toute l’Europe, et nos interlocuteurs aux Conseils européens ne se donnent même pas la peine de se souvenir du nom de leurs homologues français. Elle est l’occasion de gaspillages inouïs, de tangages contre-productifs et, finalement, donne les clés du pouvoir aux technocrates qui attendent tranquillement le changement de patron pour enterrer les dossiers. Vous comprenez donc pourquoi certaines lois, votées depuis dix ans, attendent toujours leurs décrets d’application !
Vendredi
Me serais-je bercée d’illusions ?
J’ai longtemps cru que nous, les femmes, avions des rapports avec le pouvoir différents des hommes. Moins addictifs, plus distanciés. Nous étions alors en capacité de passer à autre chose, de changer de vie, de quitter les choses avant qu’elles ne vous quittent. Patatras, j’apprends que Michèle Alliot-Marie a décidé de se présenter à la présidence de la République. La septuagénaire, contrainte de quitter le gouvernement suite à une ténébreuse affaire tunisienne et battue aux législatives dans son fief basque, pense que son heure est venue. C’est à croire que la politique est une drogue dure qui aveugle ceux et celles qui se l’inoculent, et que le cuisant revers subi par Alain Juppé n’aura pas servi de leçon.
Samedi
Il n’a fallu que quelques jours après que Manuel Valls eut tourné les talons pour que le gouvernement renonce à évacuer le site du futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Le motif invoqué d’un contentieux européen toujours pendant n’est que billevesée pour justifier mollement une capitulation en rase campagne destinée à acheter la tranquillité d’une fin de quinquennat sur le mode pépère. Bof, après tout, il n’y a que ans que le projet a été lancé, puis réactivé par Lionel Jospin, soutenu par les élus de droite et de gauche, approuvé par référendum et validé par des dizaines de décisions de justice. Vous ne voudriez quand même pas que tout cela ait la moindre importance ?
«Empailler les ministres comme autant de trophées est devenu le jeu mortifère des Présidents quand les rênes du pouvoir leur échappent.»