Var-Matin (La Seyne / Sanary)

GENS D’ICI

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Nous sommes en novembre 1793. L’armée républicai­ne française sous le commandeme­nt du jeune général Bonaparte s’efforce de reprendre la ville de Toulon qui est passée aux mains des Royalistes et de la Marine anglaise. Les soldats républicai­ns avancent lentement, prenant un site après l’autre. Souvenirs de l’un d’eux lors de la prise du fort Malbousque­t, au nord-ouest de la ville, le 20 novembre : « Nous partîmes de la Seyne à 11 heures du soir. La nuit était pluvieuse et sombre. Nous traversâme­s les rues obstruées de décombres, défoncées par les bombes... Nous arrivâmes et pûmes escalader les chevaux de frise. Nous grimpâmes les uns sur les autres pour atteindre le sommet du mur... Dans le fort, nous nous engageâmes dans un combat au corps à corps... Un Anglais m’empoigna par les cheveux. Je lui donnai un coup si violent qu’il me lâcha. Mais je reçus par devant un coup de sabre qui m’eût fendu la tête si je ne l’avais pas arrêté de la main droite. J’en fus quitte pour une blessure au grand doigt qui est resté, depuis, estropié. A ce moment, trois Anglais me précipitèr­ent dans le fossé. Je gisais là, parmi les morts, sous la pluie… Plus tard, un chasseur de ma compagnie me marcha sur le cou et la douleur provoqua un sursaut de mon corps. Il comprit que je n’étais pas mort. On me porta à l’ambulance d’où les blessés étaient amenés à Marseille... » Quel soldat raconte ainsi ses souvenirs ? Un militaire né dans l’Eureet-Loir en 1766, qui, par la suite, s’installera­it Toulon et en deviendrai­t maire, Étienne Girard. On n’a aucun portrait de lui. Juste cette descriptio­n d’un de ses camarades de régiment : «Visage rond, plein, haut en couleurs et parqué de petite vérole et d’une cicatrice au-dessus du sourcil droit. La bouche grande, le nez relevé, le front petit. Cheveux et sourcils noirs. Yeux bleus. » Après Toulon, Étienne Girard participer­a aux grandes campagnes napoléonie­nnes. Il sera blessé plusieurs fois : coup de sabre à la cuisse en Espagne en 1802, coup de boulet à l’épaule à Villamurie­l en 1812, au bras et à la hanche à Laon en 1814, coup de feu à la jambe en Espagne en 1813. A l’issue de cette carrière militaire, il se retire à Toulon. Il se marie et se met à cultiver son jardin. En novembre 1819, alors qu’il pioche son potager, le sous-préfet du Var vient frapper à sa porte : - Le maire François Morin, vient de mourir, on a pensé à vous pour le remplacer. - Moi, vous n’y pensez pas ? Je suis colonel en retraite ! Et je n’ai aucune expérience politique ! - Vous êtes un homme courageux et intègre ! La ville a besoin de quelqu’un comme vous !... Et voilà, le 4 décembre 1819, Étienne Girard intronisé malgré lui maire de Toulon. Il se prend au jeu, se met à paver les rues du centrevill­e, planter des arbres. Mais comme il s’y attendait, les profession­nels de la politique lui mènent la vie dure, paralysent ses efforts. Le 11 mai 1822, il en a assez et démissionn­e. Il faut croire, cependant, qu’il était apprécié en haut-lieu puisqu’en août 1830, le roi LouisPhili­ppe lui demande de revenir. Il reprend son poste mais voit cette fois-ci son conseil municipal paralysé par les luttes entre Républicai­ns et Royalistes. Nouvelle démission le 26 mars 1832. Son successeur ne faisant pas l’affaire, une ordonnance royale le nomme à nouveau maire le 31 décembre 1836. Cette fois, Étienne Girard aura à lutter contre l’épidémie de choléra. Il jugulera le fléau et, enfin, parviendra au terme de son mandat. Telle est l’histoire de celui qui fut, malgré lui, trois fois maire de Toulon.

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