Var-Matin (La Seyne / Sanary)

« Notre retard, c’est la mixité sociale à l’école »

Pour sa 3e rentrée en préparatio­n sur l’académie, le recteur Emmanuel Ethis a répondu à nos questions. Sur le climat scolaire post 14-Juillet, le niveau des élèves, les méthodes de réussite…

- PROPOS RECUEILLIS PAR VÉRONIQUE MARS vmars@nicematin.fr

La rentrée 2017 est en préparatio­n. Dans un rectorat de Nice illuminé en bleu-blancrouge, tous les soirs, depuis le14Juille­t. Volonté du recteur Emmanuel Ethis, pour rappeler les valeurs de la République dans son académie meurtrie, traumatisé­e par l’attentat terroriste, mais qui s’est relevée « dans une solidarité partagée ». Ce territoire « attachant », fier de son identité, mais « si soucieux de vivre ensemble, en permanence », l’ex-président de l’Université d’Avignon devenu, il y a trois ans, le plus jeune recteur de France, l’a découvert et adopté. Sur sa tablette numérique, il a enregistré – entre autres – Nissa la Bella et la réussite aux examens en progressio­n dans les Alpes-Maritimes et le Var. Cependant, autour des préparatif­s de rentrée, les questions se bousculent. Sur les réformes successive­s menées dans un climat d’inquiétude, sur fond d’une enquête Pisa où la France, encore une fois, ne rayonne guère par ses résultats.

Comment se profile la rentrée sur l’académie de Nice ?

Ce sera une année déterminan­te. Celle de l’expériment­ation, où tout le travail entamé durant les différente­s réformes, dont celle du collège, prendra corps. Le contexte global est positif : une dotation enseignant­e à la hausse, sans précédent depuis dix ans [ postes de plus, dont  en primaire ndlr] dans une inquiétude, pour la sécurité des élèves, qui est intégrée.

Justement, comment est l’ambiance dans les établissem­ents des Alpes-Maritimes et du Var ?

L’ambiance est à la responsabi­lité, à la vigilance. Avec une dose d’insoucianc­e nécessaire pour que les études se déroulent de la meilleure manière. Grâce aux personnels et enseignant­s dont la première préoccupat­ion est la pédagogie pour faire progresser les élèves. Cela mérite un coup de chapeau. Depuis le Juillet, plus rien ne sera jamais comme avant. Mais cela a renforcé le sens du collectif qui est devenu, sur l’académie, quelque chose d’inouïe. Un moteur pour avancer dans la réussite.

Le niveau et la réussite des élèves ont-ils progressé ?

Les résultats au bac ont été d’un excellent niveau sur l’académie : , % de réussite, toutes filières confondues, , % pour le bac général. C’est un point de plus que la moyenne nationale. Au brevet des collèges, le taux de succès [, %, un point de moins que sur le national ndlr] progresse depuis trois ans. Nous sommes dans une bonne logique. Reste à améliorer le taux de décrochage scolaire qui, sur l’académie, se nourrit de petits boulots. De cette tentation de l’argent facile qui pousse des jeunes sans qualificat­ion à abandonner l’École et à se disqualifi­er eux-mêmes. C’est ce cercle vicieux qu’il faut casser.

Comment ?

En offrant des qualificat­ions pour accompagne­r les élèves au plus haut niveau afin qu’ils se projettent dans l’avenir. C’est ce que nous faisons dans les campus des métiers, qui est un label national. Il y en a un à Nice, centré sur les métiers du tourisme, un à Toulon, sur les métiers de la mer. Réunissant établissem­ents, profession­nels du secteur, université­s, ces campus des métiers doivent devenir des pôles de qualificat­ions performant­es sur le national. Et c’est dans ces campus que le ministère nous a demandé d’expériment­er des solutions contre le décrochage scolaire pour l’appliquer ailleurs.

La France est à la peine dans l’enquête Pisa pour figurer dans la moyenne des  pays de l’OCDE évalués…

Cette enquête [menée auprès des élèves de  ans, ndlr], il faut la prendre avec des pincettes. On compare des systèmes scolaires qui sont à la limite de la comparaiso­n. Ceux qui pratiquent une sélection dès l’école, comme les pays asiatiques, et le nôtre qui veut faire réussir tous les élèves. Or, le système français est celui qui sait le mieux former les jeunes, qui adhérent au système, pour les amener au plus haut niveau, jusqu’au doctorat. Aujourd’hui,  % des jeunes d’une même classe d’âge ont la licence. Pour l’élévation du niveau d’études, c’est gagné ! L’autre côté, moins bon, c’est son aspect inégalitai­re. Avec des élèves issus de milieux défavorisé­s qui, n’adhérant pas au système, n’enclenchen­t pas dans la réussite.

N’est-ce pas l’échec de la politique de l’éducation prioritair­e ?

Non. Les décisions prises récemment, comme la réforme du collège, l’acquisitio­n de compétence­s, les évaluation­s en cycle  (du CM à la e) répondent à cette problémati­que. Repérer les élèves fragiles, combler les manques, leur expliquer aussi pourquoi ils doivent lire, écrire, compter. Les pays scandinave­s, montrés comme le modèle à suivre, ont intégré cette mixité sociale qui est de fait. Notre retard, à nous, est là, sur la mixité sociale. Parce que c’est ensemble que l’on réussit le mieux.

En sciences, les résultats de l’enquête Pisa sont décevants, surtout chez les filles. Que faut-il faire?

Dans cette discipline et sur l’académie, l’écart de réussite entre les filles et les garçons s’est considérab­lement réduit. Notre effort se porte sur le secondaire, avec des projets scientifiq­ues novateurs pour travailler les mathématiq­ues de manière ludique. À l’école aussi, de nouvelles méthodes sont testées.

Lesquelles ?

La méthode singapouri­enne, par exemple, testée dans les écoles de Vallauris (). Elle repose sur une approche concrète des opérations (addition, soustracti­on, fractions, etc.) par la résolution de problèmes au quotidien. L’idée est de rendre plus facile ces abstractio­ns, de manipuler ces concepts pour comprendre à quoi ça sert. C’est le sens des classes inversées, nouvelle pédagogie qui fait école dans le secondaire. Avec moins de théorie en classe et plus de pratique, par la résolution de problèmes, pour rendre les élèves acteurs de leurs cours.

Le sujet qui irrite les familles, c’est la difficulté de remplacer les professeur­s absents. Quel est le temps de latence ?

Il n’y a aucun délai de carence. Le remplaceme­nt s’effectue le premier jour, quelle que soit la durée de l’absence. Il faut rappeler que le taux d’absentéism­e des enseignant­s est inférieur à celui de la fonction publique et en deçà du secteur privé. Au rectorat, une cellule travaille en direct avec les établissem­ents et des postes dans le er et nd degré sont réservés au remplaceme­nt qui a gagné en efficacité. En , dans le secondaire, , % de professeur­s absents sur l’académie ont été remplacés. Deux ans après, ce taux est passé à , % alors qu’en France, la moyenne tourne à , % de cours remplacés.

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(Photo Franck Fernandes)

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