Une défiance bien française
Allez-y comprendre quelque chose : les Français expriment la plus grande défiance pour les hommes (et les femmes) politiques, ce qui ne les empêchent pas d’être passionnés par la politique ; C’est ce que vient de révéler le très sérieux baromètre annuel du Cevipof, le centre de recherches de l’institut d’études politiques. Jamais sans doute le manque de confiance n’a été aussi grand au moment où commence véritablement la campagne présidentielle. Certes, la France a derrière elle, depuis le père Duchesne, un des personnages les plus populaires de la révolution française de , une longue tradition anarchique. La liberté de blâmer, sans laquelle comme dit le proverbe, il n’y a pas d’éloge flatteur, est sans doute la liberté publique dont usent le plus souvent, et depuis le plus longtemps, nos compatriotes. En ce début d’année, ils ne se privent pas d’exprimer leur manque de confiance dans ceux qui gouvernent comme dans ceux qui ne gouvernement pas ou pas encore. % d’entre eux jugent que les politiques ne se préoccupent pas assez de ce qu’ils pensent, % les jugent corrompus, et %, – plus du quart – parlent même de leur dégoût pour la chose publique. En revanche, tous s’affirment passionnés par les débats d’idées, les émissions politiques font toutes leur plein de téléspectateurs, les meetings attirent une affluence inusitée et les livres politiques s’arrachent. Alors pourquoi ce hyatus, pourquoi cette incompréhension qui empoisonne la
vie France démocratique? A noter d’aborden qu’une seule catégorie de responsables politiques échappe à l’éreintement collectif : ce sont les maires, jugés plus accessibles, plus compréhensifs vis-à-vis de leurs électeurs, proches du terrain et plus attentifs au bien-être de leurs mandants. Pourdure pourle reste, les la promessesdent est non tenues par nos ténors de la politique : de Jacques Chirac, qui n’a pas tenu son engagement de résorption de la « fracture sociale », à François Hollande, accusé d’avoir bien peu tenu de ses engagements, en passant par Nicolas Sarkozy, qui n’est pas arrivé à ce qu’on travaille plus pour gagner plus, chacun en prend pour son grade. D’un autre côté, les Français les auraient-ils élus s’ils ne leur avaientet des larmes promis? que du sang Les deux seuls hommes politiques qui, depuis quelque trente ans, leur ont annoncé des efforts plutôt que des récompenses, comme Raymond Barre ou Edouard Balladur, ont été battus. Et puis, on le voit, les attentes de nos concitoyens sont souvent contradictoires. Un exemple : dans le même temps où ils disent que « la démocratie ne fonctionne pas bien en France » ,une partie importante d’entre eux, presque la majorité, appellent de leurs voeux un « homme fort qui n’a pas à se préoccuper du Parlement ni des élections ». Ils demandent un renouvellement, tout en admettant que l’expérience les rassure. La campagne électorale qui vient offre peut-être aux futurs candidats une chance de réconcilier les attentes de leurs concitoyens : et si aucun d’entre eux ne faisait de promesse qu’il ne soit sûr de tenir ?
« 89 % des Français jugent que les politiques ne se préoccupent pas assez de ce qu’ils pensent, 75 % les jugent corrompus, et 28 %, parlent même de leur dégoût pour la chose publique. »