Après ans d’enquête l’affaire «mains propres» fait pschitt
Ce dossier de corruption et de blanchiment, sur fond d’évasion fiscale, s’est conclu hier à Marseille par plusieurs relaxes. Dont celles du maire de Beausoleil et des promoteurs de la tour Odéon
Une montagne judiciaire vient d’accoucher d’une souris. Sept ans d’enquête, dix jours de procès et, au terme du délibéré rendu hier par le tribunal correctionnel de Marseille, l’affaire «mains propres » s’est conclue par plusieurs relaxes. À commencer par celles du maire de Beausoleil, Gérard Spinelli, et des frères Marzocco, Paulo et Claudio, promoteurs de la célèbre tour Odéon. L’élu azuréen et les responsables de ce groupe immobilier monégasque étaient suspectés de corruption. C’était le volet phare de cette affaire à tiroir qui, fin 2009, avait conduit le maire de Beausoleil jusqu’en détention. Gérard Spinelli a passé quatre mois en prison dans le cadre de cette instruction. On lui reprochait alors d’avoir accepté des enveloppes en liquide pour ne pas nuire à l’édification de cette gigantesque tour d’habitation aux portes de sa commune. Le maire de Beausoleil s’en est toujours défendu. Son innocence vient donc d’être reconnue par le tribunal correctionnel. En dépit des aveux réitérés à la barre par l’homme clé de cette affaire, Ange-Roméo Alberti. Cet entrepreneur italo-monégasque de 72 ans que tout le monde surnomme «Lino» est le fil rouge de ce dossier. C’est dans l’un des coffres de la somptueuse villa qu’il partageait à Roquebrune-Cap-Martin avec la riche héritière de l’équipementier allemand Max Grundig, que les enquêteurs pensaient avoir trouvé la preuve d’un véritable pacte de corruption. Il y avait aussi cette enveloppe en liquide au nom de «Gérard» contenant 60 000 euros.
Un « dossier fragile »
Le maire de Beausoleil a toujours nié en être le destinataire mettant en avant le fait qu’il n’avait aucun pouvoir pour s’opposer à un projet monégasque. Un argument entendu par le tribunal qui a donc prononcé une relaxe générale dans le volet corruption de la tour Odéon. Pour Me Eric Dupond-Moretti, l’un des avocats des frères Marzocco, il ne pouvait en être autrement. «Le dossier était déjà fragile, souligne-t-il. Les débats avaient tourné en notre faveur lors de l’audience.» Pour Me Dupond-Moretti ce jugement est moins « une victoire de la défense» que «celle de la justice » qui a consenti à mettre fin au «cauchemar» de ses clients « après des années de calomnie et de pression médiatique». Le tribunal correctionnel de Marseille s’est montré moins clément en revanche dans le second volet politico-financier de cette affaire.
La famille Vestri condamnée
Celui-ci concernait l’entourage de feu le sénateur maire de Saint-Jean-Cap-Ferrat. Décédé en 2013, René Vestri aura été le grand absent de ces débats au cours desquels ont comparu son épouse Lucette, sa fille Olivia et son gendre Rafaele Vanacore. Tous trois ont été condamnés à des peines allant de deux à trois ans de prison avec sursis pour blanchiment de fraude fiscale ou abus de biens sociaux. La justice a également saisi leurs comptes en Suisse crédités de près de trois millions d’euros lorsque les enquêteurs en ont découvert l’existence. Pour avoir aidé la famille Vestri à constituer ce bas de laine occulte, Lino Alberti a également été condamné à 3 ans de prison avec sursis et 100 000 euros d’amende. C’est bien moins que les cinq ans dont trois fermes et le million d’euros requis par le parquet note avec «satisfaction» son avocat, Me Franck de Vita qui constate que « le tribunal a entendu le fait que Lino Alberti avait fait cela par amitié pour René Vestri et sans aucun enrichissement personnel». Reste à savoir si le parquet se contentera lui aussi de ce jugement qui, pour l’accusation, risque d’avoir un goût amer. Contacté pour savoir s’il avait l’intention de faire appel le procureur de la République de Marseille n’a pas souhaité, du moins dans l’immédiat, s’exprimer sur le sujet.