L’Enlèvement au sérail, un hymne à l’amour
L’opéra de Toulon accueillait vendredi la première des trois représentations du chef d’oeuvre de Mozart, mis en scène par le Suisse Tom Ryser
Vêtue d’un chemisier à pois blanc, une jeune femme joue insouciante. Cette scène, puisée dans les souvenirs du pacha, est projetée en ouverture du premier des trois actes de l’opéra de Mozart L’Enlèvement au sérail. Dans son palais, entouré de son harem, Selim – interprété par le metteur en scène, Tom Ryser –, est à la recherche de la femme qu’il a perdue. Un amour qui le conduit aux portes de la maniaquerie, de la paranoïa, de la folie… Belmonte, le jeune noble espagnol, interprété par le ténor, Oleksiy Palchykov y croit également à la puissance de l’amour. Fiancé à Constance, prisonnière dans le harem de Selim, qui tente de la séduire, il chante toute « la souffrance qu’il a endurée », à être séparé de sa bien aimée.
Voix cristallines
La voix cristalline de la soprano, Aleksandra Kubas-Kruk (dans le rôle de Constance) a transporté le public, tout comme celle de Jeannette Vecchione dans le rôle de Blonde, la servante. Pedrillo, le fidèle serviteur, rusé, joué remarquablement par le ténor Keith Bernard Stonum, apporte un brin d’humour et de fraîcheur. Comme le clown dans une commedia dell’arte. Il parvient à déjouer la garde du cruel Osmin, protecteur du sérail, dont la voix de basse de Taras Konoshchenko a également séduit. Dans ce jeu musical se reflètent tour à tour la souffrance, la vengeance, le sacrifice par amour, mais aussi la clémence et le pardon. Ces dernières sont des valeurs chères à Mozart, qui a achevé en 1782 ce chef-d’oeuvre lyrique de langue allemande, construit tel un « singspiel », cette forme théâtrale alternant parties chantées et parlées.
Des Kalachnikov à défaut de sabre
Ni turban, ni sabre mais des Kalachnikov. Un décor neutre, et des costumes de Jean-Michel Angays et Stéphane Laverne, au style très épuré… Cette coproduction des opéras de Fribourg, Lausanne, Toulouse et Tours laisse toute sa place à l’orchestre dirigé par Jurjen Hempel. Dans cette oeuvre le metteur en scène Tom Ryser a tenu à garder l’essentiel, «totalement obsédé, dit-il, par le rythme du mouvement, de la musique et du personnage parlé .» « Pour moi, ce n’est pas une question de modernité, explique Tom Ryser. Je cherche toujours l’essence d’une situation. On aurait pu jouer sur la turquerie, l’orientalisme. Mais au-delà, il y a une histoire dure, claire et trés actuelle .» Cette première qui s’est déroulée exceptionnellement sans répétition générale(1) a été saluée, vendredi soir, par une salve d’applaudissements. 1. Des représentants FO, CFDT et CGT des salariés de l’opéra de Toulon ont distribué, autour de l’opéra, des tracts à l’entrée pour dénoncer les « injustices salariales et une mauvaise gestion du budget. »
Savoir + Représentations aujourd’hui, à 14 h 30 et mardi 11 avril à 20 h.