Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Whispering Angel: cuvée numéro un aux États-Unis

La cuvée rosé Whispering Angel, assemblée au château d’Esclans, fait des ravages outre Atlantique. Au point de rafler la première place en chiffre d’affaires des ventes de vins français

- PROPOS RECUEILLIS PAR MATTHIEU BESCOND

Pour la première fois, un vin rosé s’est classé numéro un en chiffre d’affaires des ventes de vins français aux États-Unis(1) en 2016. Ce rosé, c’est la cuvée Whispering Angel assemblée au Château d’Esclans à La Motte. Un rosé élaboré principale­ment à base de cépages grenache, rolle et cinsault en provenance des terres de Provence. Retour sur un succès phénoménal aux côtés du propriétai­re des lieux, Sacha Alexis Lichine.

Comment êtes-vous entré dans le monde du vin?

Je suis né à Bordeaux et j’ai été élevé aux États-Unis, à New York. Je suis revenu en France en , après avoir multiplié les expérience­s outre Atlantique. J’ai été sommelier pendant quatre ans, j’ai travaillé pour des distribute­urs américains, pour de gros magasins. Et j’ai eu la chance d’avoir un père oenologue. Dès mon plus jeune âge, j’ai passé beaucoup de temps à travailler la vigne, à faire du vin, à en vendre, à l’habiller. Je n’ai jamais rien fait d’autre que ça. À  ans, je collais à la main des étiquettes sur des bouteilles que l’on mettait dans des caisses en bois. J’ai eu la chance de toucher à tous les métiers du vin. De la production jusqu’à la vente. Ça m’a beaucoup aidé dans ma vision de ce que je voulais construire.

Parlez-nous de la cuvée Whispering Angel.

Au début, cette cuvée était fabriquée avec le raisin du domaine. Mais très vite, nous n’en avions plus assez. La cave coopérativ­e de La Motte nous a beaucoup aidés. Ils ont changé leurs statuts pour pouvoir vendre du raisin. Nous souhaition­s traiter le fruit du début jusqu’à la fin. Parce que c’est la clé de la qualité. Il nous faut des raisins entiers, non triturés, comme des billes qui s’ouvrent après être foulées. Et dont on garde les arômes dans une course permanente contre l’oxydation. Nous allons dix fois par an sur les terres des propriétai­res pour vérifier que le raisin est produit selon nos standards de qualité. Après, c’est nous qui vendangeon­s et qui vinifions. On fait vivre toute une région qui n’avait pas les moyens de faire monter la qualité de ses produits. Parce que pour faire de la qualité, il faut de l’argent, il faut investir dans ses terres. Quand on a démarré, le prix de l’hectolitre était à  euros. Aujourd’hui, il est à  euros.

Quelles sont les particular­ités de cette cuvée?

Elle a été élaborée avec une précision dans le goût. J’ai fait appel à Patrick Léon, oenologue et ancien directeur du Château Mouton Rothschild, qui avait aussi travaillé avec mon père. Quand il m’a demandé: «Sacha, qu’est-ce qu’on fait?» Je lui ai répondu: «Premièreme­nt, on va faire un vin que l’on a envie de boire…» J’aime les choses précises, élégantes, qui n’ont pas de lourdeur, qui sont assez pâles. C’est un vin qui est fin, avec un côté un peu salin, minéral. Il y a du fruit. De l’équilibre. Une finale.

Comment avez-vous développé votre marque aux États-Unis?

Je suis parti vivre à Chicago en , parce que j’étais convaincu que pour construire une marque de luxe mondiale, cela passait par les États-Unis. Sur place, j’ai été voir plusieurs importateu­rs. Tous m’ont dit: «Ça ne marchera jamais, le rosé ne se vend pas ici». Comme j’avais travaillé pour une grosse entreprise de distributi­on aux États-Unis en , je suis allé frapper à leur porte. À la tête de l’entreprise, ilyaunhomm­equia démarré en vendant des bouteilles de whisky dans les rues de New York. Aujourd’hui, il fait  milliards de dollars de chiffre d’affaires et emploie  salariés. Il m’a dit qu’il fallait que je fasse un peu de distributi­on. J’ai obtenu une licence d’importatio­n et je suis parti dans la rue faire du porte à porte, en toquant à celles que je connaissai­s dans le milieu. J’ai commencé à avoir quelques clients à droite à gauche. Puis j’ai fait  caisses moi-même, avec ma propre licence. Je suis allé de ville en ville, avec mes distribute­urs, avec mes vendeurs. Tous les jours, nous démarchion­s une dizaine d’adresses, des

restaurant­s, des magasins. De Chicago à Saint-Louis, en passant par Détroit, San Francisco, Los Angeles… Je faisais le VRP. Je ne sais pas comment on construit une marque autrement. Sans oublier de cibler les «influencer­s». En anglais on dit: «You shake hands, you make friends and you sell wine.»

Qu’est-ce qui fait qu’un vin se vend plus qu’un autre?

La qualité est primordial­e. Le packaging est très important. Mais il faut aussi savoir vendre son produit. Le succès de la cuvée Whispering Angel est dû en partie à ce que les Américains appellent le «by the glass». Autrement dit, on sert le vin au verre. Car il faut savoir qu’aux États-Unis, le prix de la bouteille que vous achetez, c’est le prix du verre que vous vendez à la carte. Vous achetez une bouteille à  dollars. Et vous vendez le verre au même prix. Il faut que ceux qui revendent votre produit gagnent pratiqueme­nt plus d’argent que vous. Le positionne­ment du produit est important aussi. Une bouteille était vendue , dollars au début. Aujourd’hui, elle est à , dollars. Château d’Esclans - 4005, route de Callas à La Motte. Rens. : 04.94.60.40.40. 1. Source: cabinet Nielsen. 2. Vous serrez des mains, vous vous faites des amis, et vous vendez du vin. (service gratuit + prix d’appel)

 ?? (Photo Frank Muller) ?? Sacha Alexis Lichine a eu l’idée de nommer sa cuvée anglais – en contemplan­t ceux qui surplomben­t sa chapelle privative. Whispering Angel – « les anges qui murmurent », en
(Photo Frank Muller) Sacha Alexis Lichine a eu l’idée de nommer sa cuvée anglais – en contemplan­t ceux qui surplomben­t sa chapelle privative. Whispering Angel – « les anges qui murmurent », en

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