L’ENNUI AU MUSÉE
Todd Haynes déçoit avec un conte spielbergien pour enfants sages... et patients !
Il y a deux ans, Todd Haynes, vieil habitué du Festival (où il a reçu le prix de la meilleure contribution artistique en 1998 pour Velvet Goldmine), nous avait enchantés avec Carol, superbe mélo dans lequel Cate Blanchett tombait amoureuse de Rooney Mara. On attendait donc beaucoup de son nouveau film, Wonderstruck (Le Musée des merveilles), adapté d’un roman de Brian Selznick, l’auteur d’Hugo Cabret, avec Julianne Moore et Michelle Williams au casting. La déception est cruelle. Wonderstruck est un conte pour enfants sages... et patients! Car c’est peu dire que la quête des deux enfants, que l’on suit dans New York à deux époques différentes, traîne en longueur… Ben (Oakes Fegley) est un jeune garçon du Minnesota. Né de père inconnu, il perd sa mère (Michelle Williams) dans un accident de voiture alors qu’il vient tout juste de fêter ses 12 ans. Recueilli par sa tante, il fugue pour partir à la recherche de son père à New York, avec pour seul indice un prénom et l’adresse d’une librairie. Sa mission est d’autant plus compliquée qu’un malencontreux mais littéral coup de foudre l’a rendu sourd juste avant de partir... Heureusement, il va être recueilli et aidé par un garçon de son âge, Jamie, dont le père travaille au Musée d’histoire naturelle de New York. Alors que l’action se passe en 1977 dans le New York interlope de Macadam Cowboy (ou de Taxi Driver) superbement reconstitué et filmé en technicolor au rythme d’une excellente B. O. funk, on suit, en parallèle, la quête d’une gamine du même âge au même endroit, mais en 1927. Elle aussi est sourde (mais de naissance). Elle aussi a fugué pour retrouver sa mère actrice de cinéma muet (Julianne Moore), divorcée d’un mari trop strict. Et elle aussi débarque, comme par hasard, au Musée d’histoire naturelle, où travaille son grand frère (qui la recueille). Toute cette partie « historique » est filmée en noir et blanc, au son d’une musique symphonique assez pénible... La fin du film, dans laquelle les deux histoires convergent (enfin !) de façon très prévisible, est en partie constituée d’animation. C’est très joli, mais ça ne suffit pas à sauver cette fable maniériste, d’inspiration Marc Levyo-spielbergienne, sur les liens familiaux, l’amitié et le destin, de la mièvrerie. Ni de l’ennui qui pointe son vilain nez dès le passage des portes du musée – c’est l’ennui au musée ! Même l’émotion censée nous submerger fait cruellement défaut. Dans le genre, on conseillera plutôt de revoir Hugo Cabret de Martin Scorsese, qui était autrement rythmé et novateur, avec une des meilleures utilisations de la 3D qu’on ait vue au cinéma. Pourtant castée dans un double rôle, l’égérie de Todd Haynes, Julianne Moore, primée à Cannes en 2014 pour Maps to the Stars de David Cronenberg, n’a pas grand-chose à défendre. Et Michelle Williams encore moins dans celui de la mère trop tôt disparue du petit garçon. Les enfants sont très bien, surtout la petite fille (Millicent Simmonds). Mais en dehors de la double reconstitution du New York des années 20 et 70 et de la B. O. funky, on ne voit pas grand-chose à sauver de ce film dans le cadre de la compétition cannoise. Il devrait tout de même y recevoir un meilleur accueil que La Lune dans le caniveau de Jean-Jacques Beineix, auquel il emprunte son exergue : « Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d’entre nous regardent les étoiles »
(Oscar Wilde).
Fable maniériste d’inspiration Marc Levyo-spielbergienne, Wonderstruck ne frappe guère que par la magnificence de la reconstitution du New York des années 20 et 70...