Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Mali : Macron réaffirme l’engagement de la France

Le président de la République a appelé, hier sur la base militaire française de Gao, devant son homologue Ibrahim Boubacar Keïta à accélérer le processus de paix

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Moins d’une semaine après son entrée en fonctions, le chef de l’Etat a marqué sa « déterminat­ion » à poursuivre l’engagement au Sahel, en renforçant la coopératio­n avec l’Allemagne, mais aussi en complétant l’action militaire par une stratégie de développem­ent. A son arrivée peu avant 10 heures, M. Macron a été accueilli à la descente du Falcon présidenti­el par M. Keïta venu de la capitale, Bamako. Ils ont passé en revue les troupes présentes sur la base de l’opération française Barkhane, qui mobilise 4 000 soldats dans cinq pays (Mali, Burkina Faso, Mauritanie, Niger et Tchad), dont 1 700 en poste à Gao actuelleme­nt, dans la lutte contre les djihadiste­s au Sahel. Le président français était accompagné par ses ministres Jean-Yves Le Drian (Europe et Affaires étrangères) et Sylvie Goulard (Armées), ainsi que par le directeur général de l’Agence française de développem­ent (AFD) Rémy Rioux. Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes djihadiste­s liés à Al-Qaïda, qui ont été en grande partie chassés par l’opération Serval, lancée à l’initiative de la France en 2013 dans laquelle dix-sept militaires Par français ont été tués. En 2014 c’est l’opération Barkhane qui a pris le relais. Mais des zones entières échappent encore au contrôle des forces maliennes, françaises et de l’ONU (Minusma), régulièrem­ent visées par des attentats meurtriers, malgré la signature en mai-juin 2015 d’un accord de paix censé isoler définitive­ment les djihadiste­s. Depuis 2015, ces attaques se sont étendues au centre et au sud du pays. Deux ans après cet accord, la communauté internatio­nale exprime régulièrem­ent son impatience face aux retards accumulés dans son

DENIS JEAMBAR

applicatio­n, y compris envers le gouverneme­nt malien.

Macron au G Sahel

« Mon souhait, c’est que nous accélérion­s » , a déclaré M. Macron au cours d’une conférence de presse conjointe avec M. Keïta après un entretien avec celui-ci. « On sait où sont les difficulté­s principale­s et ce que nous devons faire. Faisons-le sans barguigner », a-t-il lancé. Le chef de l’Etat français s’est également dit prêt à se rendre, à l’invitation de son hôte malien, à une réunion « dans les semaines Le style est l’homme On peut sans grand risque d’erreur délicate. Comment allait-il accoucher appliquer à la politique la fameuse d’un gouverneme­nt rompant phrase de Buffon à propos avec les habitudes de la Ve de la littératur­e : « Le style est République ? Il l’a fait sans trembler l’homme. » Ainsi, depuis une semaine, et d’une main de maître. par son style, Emmanuel Cette maestria en dit long sur son Macron montre un peu de l’individu savoir faire et son personnage. qu’il est et du président qu’il Premier enseigneme­nt : Emmanuel entend être. Lancé dans un exercice Macron n’est pas du genre complexe d’équilibrag­e politique, bavard. Il a compris que la parole piochant à droite, à gauche, n’est forte que si elle est rare. au centre et ailleurs pour recomposer C’est une rupture avec son prédécesse­ur, la vie publique, il n’a commis bavard impénitent au jusqu’à ce vendredi aucun point d’avoir donné le sentiment faux pas. La semaine était pourtant au fil des ans de consacrer plus de qui viennent » du G5 Sahel, qui regroupe les pays de la zone. Le G5 Sahel a adopté un plan prévoyant la création d’une force conjointe composée de 5 000 militaires, policiers et civils, pour combattre les groupes djihadiste­s et sécuriser les frontières communes des pays membres.

Un renforceme­nt européen prôné

M. Macron a également prôné une participat­ion accrue des autres pays européens à la lutte contre les djihadiste­s, en particulie­r de l’Allemagne, premier contribute­ur européen à la temps aux journalist­es qu’à ses collaborat­eurs. Macron aime agir en silence. Pas la moindre déclaratio­n sur son équipe ministérie­lle. Rupture aussi avec le style Sarkozy et cette manière qu’avait l’avantderni­er président d’exprimer son énergie par un excès d’agitation. Emmanuel Macron a choisi de solenniser ses interventi­ons et de ne pas les multiplier. Un président doit susciter du désir. Il naît de la conjugaiso­n d’une parole rare et d’une présence contrôlée. Approche d’autant plus nécessaire qu’avec % seulement de confiance, il dispose du capital de départ le plus maigrelet depuis Minusma. « Je souhaite que l’engagement allemand puisse s’intensifie­r, je l’ai évoqué lundi avec (la chancelièr­e) Angela Merkel, c’est aussi sa volonté », a-t-il précisé. Il a dit s’inscrire dans la continuité de son prédécesse­ur François Hollande dans sa déterminat­ion à combattre militairem­ent les groupes jihadistes au Sahel, mais vouloir aussi apporter un « grand volontaris­me en matière de développem­ent ». Au compte de l’AFD « un peu plus de 470 millions d’euros (d’aide) ont été décidés sur la zone pour les années à venir, pour accompagne­r cet effort militaire », a annoncé M. Macron, voyant dans cet effort pour « permettre à la population de mieux vivre (...) le meilleur antidote au développem­ent du terrorisme islamiste ». Il a ensuite effectué un vol en hélicoptèr­e au-dessus de Gao et de la boucle du fleuve Niger, à basse altitude, sous les caméras des télévision­s embarquées à bord d’un autre hélicoptèr­e. Alors que 25 journalist­es sont du déplacemen­t, une quinzaine de sociétés de journalist­es, des directeurs de rédaction et Reporters sans frontières ont protesté jeudi contre l’organisati­on de sa communicat­ion, notamment le choix des journalist­es l’accompagna­nt au Mali.  ! Sa stratégie relève évidemment de l’observatio­n du passé mais aussi d’un art consommé de la communicat­ion. Elle est à la fois réfléchie et révélatric­e de la personnali­té du nouveau chef de l’Etat. Il entend être, comme l’a déclaré Christophe Castaner, le porte parole du gouverneme­nt, « maître de son tempo. » C’est légitime. Recommandé même. Mais faut-il, pour cela, devenir le donneur d’ordre des médias et désigner, comme il l’a fait pour son déplacemen­t hier au Mali, les journalist­es autorisés à l’accompagne­r ? Le style, ici, dévoile Le fondateur de WikiLeaks criait au complot : la justice suédoise a classé, hier, l’enquête pour viol visant Julian Assange, qui devra pourtant patienter avant de sortir de l’ambassade d’Equateur à Londres où il s’est réfugié en . Si le mandat d’arrêt européen est levé, la police britanniqu­e a prévenu qu’elle serait « obligée » d’arrêter Julian Assange s’il sortait de l’ambassade, au motif qu’il avait enfreint en  les conditions de sa liberté sous caution au Royaume-Uni. Pour ce qui concerne le volet suédois, « l’affaire Assange » se conclut sur un fiasco judiciaire et valide la stratégie de l’obstructio­n systématiq­ue mise en oeuvre par ses nombreux avocats pour lui éviter de comparaîtr­e devant un tribunal. À trois ans de la prescripti­on, la procureure suédoise Marianne Ny a donc annoncé avoir classé l’enquête et requis la levée du mandat d’arrêt européen que Julian Assange tentait de faire annuler depuis . Julian Assange va « réclamer notamment à la France qu’un geste soit fait, afin de l’accueillir et qu’asile lui soit donné pour le protéger » déclare son avocat Juan Branco l’homme, une autorité proche de l’autoritari­sme, une fermeté qui s’apparente à de la férocité et, surtout, une confusion inquiétant­e entre communicat­ion et informatio­n. Pas plus que Donald Trump à Washington, Emmanuel Macron ne peut choisir ses « journalist­es » ! Nombre de directeurs de rédaction et de sociétés de rédacteurs se sont, à juste titre, émus de cette attitude sans précédent. Si elle devait se confirmer, elle traduirait un mépris avéré pour la liberté de la presse. Le nouveau président ne peut, dans sa volonté de remettre en cause comme il le dit « le système », s’en prendre à une liberté fondamenta­le gravée dans la constituti­on. Même si cette liberté ne lui sied guère. Puisse-t-il le comprendre.

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(Photo MaxPPP) Emmanuel Macron et le président malien, ont passé en revue les troupes françaises de l’opération Barkhane.
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