Var-Matin (La Seyne / Sanary)

VINCENT LINDON RODIN, LE RÔLE DE SA VIE ?

Deux ans après son prix d’interpréta­tion (et un César) pour La Loi du marché, l’acteur n’est pas blasé : « Je suis très fier. C’est incroyable­ment agréable et galvanisan­t d’être en compétitio­n ».

- par FRANCK LECLERC fleclerc@nicematin.fr @francklecl­erc06

De toutes les matières, c’est la terre qu’il préfère. Vincent Lindon, qui n’est pas connu pour faire les choses à moitié, a pris jusqu’à huit heures de cours par jour pour apprendre à modeler. En révélant, selon sa partenaire Izïa Higelin, un talent qu’il s’évertue à minimiser, s’étant borné à sculpter «son» Rodin.

Vous seriez-vous découvert un autre don ?

Je ne sais pas si j’ai un quelconque talent pour la sculpture et ce n’est pas le problème. Je me suis juste initié avec passion. Et surtout, on ne va pas se raconter des blagues, il était impossible de jouer Rodin autrement. Il passait vingt heures de sa journée à travailler, dont 19 h 30 penché à sculpter. Il parlait en sculptant, il pensait en sculptant, il vivait en sculptant. De toute façon, dans la manière que Jacques avait de filmer, il n’y avait pas d’échappatoi­re. Les plans séquences contribuen­t énormément à la véracité de l’histoire. Quand on laisse une scène rouler pendant quatre, cinq, six minutes, on lance un message au cerveau : pas de tricherie, c’est pour de vrai, ça existe. Apprendre la sculpture m’a aidé à être Rodin. Le contact avec la terre m’a permis d’y croire. Je considère que ça m’a sauvé la vie: 80 % du boulot était fait.

Rodin, sculpteur tout le temps. Comme vous acteur à 100 % ?

Ce serait prétentieu­x de me comparer à lui. Chez Rodin, pas un instant qui se perde. Même si je suis très investi, il y a des moments de ma vie où je suis en jachère. Peut-être que mon cerveau chine des choses que je mets sans m’en rendre compte dans une réserve d’où je les ressortira­i un jour si besoin. Mais je ne sais pas toujours comment j’ai travaillé les rôles. Et si je le sais, comme ça vite fait, j’essaie de ne pas trop m’entendre le raconter. Parce que ça m’angoisse de me dire que je ne le retrouvera­i sans doute jamais. Ce qui est sûr, c’est que l’on fait des déports de vécu. La relation entre Rodin et Camille, on peut la transposer au rapport d’un homme mûr qui a un émoi pour une jeune fille. Ou d’une jeune actrice talentueus­e à souhait mais un peu inexpérime­ntée, face à un acteur plus chevronné. On sait de quoi tout ça est fait. On l’a, c’est là.

Dans un monde masculin, son ouverture d’esprit détonne ?

Son élève a du génie, il le voit. Seul compte pour lui le talent. Il tombe amoureux mais n’a le temps de rien. Pas le temps, en tout cas, de penser à la souffrance qu’il fait endurer aux autres. C’est son défaut et il m’a fasciné : maître de guerre devant ses oeuvres, Rodin est fuyant dans la vie. Décevant sur le plan de l’amitié et de l’amour, ce qui est un point commun à quasiment tous les génies : ils ne peuvent pas être au four et au moulin. C’est cruel, de créer!

« MAÎTRE DE GUERRE DEVANT SES OEUVRES, FUYANT DANS SA VIE. »

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Supplément du mercredi 24 mai 2017 de Var-matin
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(Photo Shanna Besson/ Les Films du Lendemain) « Apprendre la sculpture m’a aidé à être Rodin. »

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