CÉCITÉ FAIT LOI Naomi Kawase rompt avec sa veine contemplative et élégiaque pour un film bavard, voire verbeux
Romance lourdement symbolique entre une audiotraductrice de cinéma et un photographe malvoyant, Vers la lumière en manque un peu...
On a appris un nouveau mot, hier, grâce au nouveau film de Naomi Kawase, Vers la lumière : podotactile. Il désigne, notamment, certaines signalisations urbaines que les malvoyants peuvent reconnaître du bout du pied (l’approche d’un passage protégé ou le bord d’un quai de métro, par exemple). Certains critiques malveillants et/ou de très mauvaise foi (on en connaît !) suggéraient à la sortie de la projection de presse qu’on l’applique au film, qui, dès lors, serait littéralement, à voir (ou pire : fait) avec les pieds. On n’ira pas jusque-là. N’empêche, la réalisatrice japonaise préférée de Cannes (Grand Prix 2007 pour La Forêt de Mogari) déçoit un peu avec ce film bavard, voire verbeux, qui rompt avec sa veine contemplative et élégiaque. Alors que personne ne filme mieux qu’elle, le vent dans les arbres, la brume sur les montagnes, la pluie dans la plaine, l’écume des vagues et celle des jours, la voilà embarquée dans une romance lourdement symbolique et forcément peu visuelle, entre Misako (la très jolie Ayame Misaki), une audiodescriptrice de films et Nakamori, un photographe malvoyant en train de devenir aveugle (Masatoshi Nagase, déjà à l’affiche de son film précédent Les Délices de Tokyo). On suit donc, à l’aveuglette, les efforts de la douce Misako pour coller au mieux à la description d’un film japonais contemplatif (du genre de ceux que faisait Kawase avant sa période documentaire) et s’attirer les bonnes grâces de l’ours mal léché Nakamori, qui fait partie de son groupe d’auditeurs-test et ne cesse de critiquer ses descriptions. Le tout sur fond de réflexions sur les pouvoirs comparés de l’image et du langage, où l’on apprend que « Devoir se séparer de ce à quoi on tient le plus, c’est insoutenable » et d’où il ressort, évidemment, qu’« on ne voit bien qu’avec le coeur ». Merci Saint-Exupéry, à vous Tokyo! Fort heureusement, Misako a aussi une maman Alzheimer, qui vit à la campagne et n’a que faire de ces considérations philosophico-sociologiques. Les scènes dans lesquelles la jeune femme vient la visiter sont les meilleures du film, avec un formidable moment où Misako, les yeux fermés sur le porche de la maison de sa mère, retrouve les sons de son enfance. Elles fournissent de salutaires bols d’oxygène au spectateur qui, après tout le verbiage théorique, est quand même très heureux de se diriger vers la sortie et de revenir... Vers la lumière !
« DEVOIR SE SÉPARER DE CE À QUOI ON TIENT LE PLUS, C’EST INSOUTENABLE »