Mystère des taches brunes en mer : la faute aux escargots
On connaît désormais l’origine des étranges particules flottant à la surface du littoral de la Côte d’Azur et du Var. Il s’agit d’un mélange de restes de pontes de janthines et de vélelles !
Le mystère des particules brunes flottant en mer est élucidé depuis son apparition au début du mois. Il ne s’agit pas d’algues, mais d’un mélange de restes de pontes de janthines pâles et de vélelles ! D’un côté, un escargot flottant. De l’autre, une méduse. Un phénomène très rare, mais explicable. Et expliqué par Alexandre Meinesz. Le professeur émérite du laboratoire Écomer de la faculté des sciences, à l’Université de Nice-Sophia Antipolis (06), étudie les algues et l’environnement marin depuis le début des années soixantedix. Lui aussi a observé, dernièrement, cette apparition inhabituelle, qu’il nous a décryptée. Une très longue période de calme en mer explique probablement une accumulation, au large des côtes méditerranéennes, de vélelles. Ces petites méduses, en forme de barquettes cartilagineuses à voiles translucides, portent des tentacules d’un bleu intense. Contrairement aux redoutables pelagias noctiluca, les vélelles ne sont pas urticantes. Heureusement, car généralement, elles affluent par vagues compactes. « Elles se développent dès que les eaux s’échauffent. Généralement, en avril, précise le professeur Meinesz. Elles se nourrissent du plancton en haute mer. Cette espèce se multiplie jusqu’à fin mai, période durant laquelle les vélelles s’échouent souvent sur les plages. »
Un festin en mer
Mais voilà que surgit un drôle de spécimen. La janthine pâle. Un mollusque pélagique, vivant lui aussi en haute mer. « Il a une coquille ressemblant vraiment à un escargot de moins de 2,5 cm de diamètre. Il flotte à l’envers, grâce à un radeau de mucus enveloppant des bulles d’air. » Inoffensif pour l’homme, cet escargot est, en revanche, un féroce prédateur de méduses. Particulièrement de vélelles, dont il se nourrit. « Dès qu’il en touche une, il la dévore. » À l’instar de la vélelle, le gastéropode arrive à son cycle de développement, fin mai. C’est là qu’il produit des pontes en forme de bananes, de 1 à 2 cm de long et 0,5 cm de diamètre, avec du mucus enfermant des bulles d’air. Tout cet amalgame forme un nuage visqueux à la remorque de la coquille. Chacun chez soi ? Pas du tout. Cette année, la plupart des vélelles, bloquées en haute mer, ont formé des amas considérables. Un festin pantagruélique pour les janthines, pas gentilles, qui ont eu de quoi se régaler.
Parcelles organiques
Résultat: tout le littoral, de la Côte d’Azur, jusqu’à l’île de Port-Cros à Hyères et même en Corse, a vu débarquer des échouages massifs de pontes de janthines et de fragments de vélelles. « Pour les janthines, c’est vraiment exceptionnel. Des échouages de vélelles sur la grève, on en a vu, mais des pontes de janthines, jamais ! » C’est pour cette double et concomitante raison, qu’il est resté en mer « une masse abondante de matière organique issue de la désintégration des restes des deux espèces ». Si les fragments de vélelles ont l’allure de lames ou de filaments translucides, mous et chitineux. Les pontes de janthines, elles, en se désagrégeant, forment des conglomérats plus gélatineux, marron ou blanchâtres. Les deux matières cohabitent en flottant, troublent l’eau dans les premiers mètres, et signent ainsi, la fin du phénomène. Mais tout de même, les escargots en auront fait baver aux vélelles !