Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Guy, victime de l’amiante : «DCNSm’atué» St-Tropez

Guy est atteint de deux graves maladies pulmonaire­s après avoir respiré des poussières d’amiante durant sa carrière à l’usine des torpilles de Gassin. Entouré de ses proches, il témoigne

- CLÉMENCE DUPONT cdupont@nicematin.fr

Une quarantain­e d’années passées à l’usine des torpilles. Le tourneur de métaux n’y aura pas seulement perdu un doigt. Sa carrière lui aura coûté la vie. Une vie qui ne se déploie plus désormais que dans une dizaine de mètres carrés. « Les toilettes, le canapé, la chaise », souffle Guy. Il est l’une de ces victimes oubliées. « À l’atelier, quand le soleil perçait les baies vitrées, on voyait les particules d’amiante se disperser dans l’air ». Comme tous, il travaillai­t sans protection respiratoi­re. Sans conscience du danger.

« Il avait souvent des malaises, il voyait des étoiles »

Sans imaginer que ce matériau hautement toxique briserait sa vie. « On ne sort plus », s’étrangle Réjane, son épouse depuis 44 ans. Le couple s’est installé à Cogolin en 73, alors que Guy travaillai­t déjà à DCNS. Il y a fait toute sa carrière : apprentiss­age, tourneur de métaux, puis, après un accident de travail, au service des contrôles. Sa retraite à peine débutée, Guy enchaîne les problèmes de santé. « Il a d’abord fait un AVC. Ensuite, il a été opéré cinq fois de polypes à la vessie, sans que le lien avec l’amiante n’ait été établi », rapporte Manuel, suspicieux à ce sujet, alors que son père peine à s’exprimer. « Quand j’enlève le masque, j’ai l’impression de manquer d’air » explique-t-il. Les problèmes respiratoi­res ont saisi Guy, un peu avant 2010. Il avait souvent des malaises, il voyait des étoiles, cela a commencé comme ça, poursuit Réjane. Le médecin nous a dit que c’était à cause du tabac. Je me Guy Badalament­e, qui a contracté deux graves maladies profession­nelles causées par l’amiante, compte sur le soutien quotidien de son épouse de son fils, et de Michel Savignac (à

président de la section locale d’aide aux victimes de l’amiante chez DCNS Gassin.

rappellera­i toujours de cette secrétaire. Elle nous avait lâchés que s’il continuait à fumer, il serait mort dans six mois », s’emporte-telle, les yeux rougis. Quand Michel Savignac – président de la section locale des victimes de l’amiante – apprend la maladie de son ami, avec lequel il a travaillé de longues années à DCNS, il demande à un pneumologu­e de plus amples examens. Le marqueur est révélé : non pas victime du tabac, Guy souffre de la « maladie de l’amiante ». Michel Savignac prend en main le dossier. En 2015, deux maladies profession­nelles

sont reconnues à l’ancien ouvrier. 30 A et 30 B. Deux catégories bien connues des victimes du poison : fibrose de la plèvre et asbestose, de graves atteintes pulmonaire­s. Guy obtiendra indemnisat­ions et rente annuelle. « Non sans que le ministère de la Défense, lance encore, systématiq­uement, des recours », constate Michel Savignac, pour lequel chaque dossier est un « parcours du combattant ». Guy serait la seule victime dont les maladies profession­nelles contractée­s à Gassin ont été reconnues. À part celle, posthume, d’un Tropézien. « Mais beaucoup de victimes s’ignorent encore », déplore Michel Savignac, salué par Réjane : « S’il n’avait pas été là… ». Aujourd’hui, la capacité respiratoi­re de Guy est limitée à 30 %. Il a déjà été souffert de deux décompensa­tions respiratoi­res, en 2015 et 2016. « Il étouffait. Transporté en urgence à l’hôpital, il a été placé en coma artificiel pour la mise en place d’une ventilatio­n invasive en soins intensifs. Un tube dans la gorge jusqu’au poumon », rapporte son fils. Aujourd’hui, le quotidien de la famille est brisé. Quatre heures par jour, Guy supporte

« Cela décime une famille»

Sollicités en permanence, ses proches se doivent de tenir. « Guy est parfois aigri. Il n’est pas toujours tendre avec nous », confesse son épouse. Le lot de nombreuses familles dans la souffrance. Quand les aidants sont tout ce qu’il reste à un malade qui s’accroche à une vie dont il peine à retrouver l’essence. Elle emporte parfois sa colère. « Je ne vais plus à la pêche, à la chasse. Je ne peux plus conduire, l’accompagne­r dans les magasins. Je suis tellement fatigué », suffoque Guy, qui ne tolère plus d’être seul à la maison. « J’ai peur de tomber, de perdre mon tuyau, de m’étouffer ». « Cela décime une famille, psychologi­quement, humainemen­t», ajoute le fils. Heureuseme­nt, l’enfer laisse parfois place à des sourires. Ils disparaiss­ent à l’évocation de l’attitude de son ancienne usine à son égard. «Pasun mot. Rien. Aucun soutien, aucune excuse. Alors que DCNS m’a tuée ». Guy a accepté de dépasser honte et épuisement afin de témoigner. Lui comme ses proches ont ouvert leur porte, l’intimité de leur souffrance, « pour alerter, montrer aux autres, ne pas oublier toutes ces victimes. Et toutes celles à venir ».

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