Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Brice, Toulonnais de St-Barth, survivant de l’ouragan Irma

Installé à Saint-Barthélemy depuis septembre dernier, le Varois a vécu l’ouragan Irma qui a ravagé les Antilles. Pour Var-matin, il témoigne et revient sur cette catastroph­e

- E. G.

Brice Clayeux est un jeune varois de 28 ans. Il a quitté Toulon en septembre dernier pour s’installer à Saint-Barthélemy, dans les Îles du Nord, où il est professeur de tennis. Il a vécu, ou plus exactement survécu, au passage d’Irma qui a ravagé les Antilles. Brice témoigne. « On a été prévenus bien à l’avance. Au départ je ne me faisais pas vraiment de soucis. Je me disais qu’il allait dévier, que ça irait… » Du moins jusqu’aux derniers jours qui précèdent l’arrivée d’Irma. Le jeune homme prend la mesure du danger qui s’annonce en voyant «les habitants devenir de plus en plus inquiets ». « Le président de mon club de tennis est une figure emblématiq­ue de l’île qui connaît très bien ces phénomènes. La veille il m’a dit que celui-là allait faire très, très mal. Plus encore que Luis qui, en 1995, avait déjà été destructeu­r. »

« On s’est jetés dans la citerne d’eau »

Brice décide alors de rejoindre un de ses amis qui habite une villa, « assez ancienne et donc moins sécurisée », pour affronter cette nuit du 5 au 6 septembre. La soirée se passe. «D’abord plutôt tranquille­ment. Et puis le vent s’est levé comme un gros mistral. À travers des petits hublots qui donnaient sur l’extérieur, on a vu que des arbres commençaie­nt à être déracinés… On s’est dit “Ouah, ça va être chaud !” Mais ce n’était plus possible de bouger. On était coincés sur les hauteurs de Colombier, un endroit qui a particuliè­rement été touché. » Au fur et à mesure que la nuit avance, le vent ne fait que forcir. «Les volets anticyclon­iques ont commencé à lâcher. On s’est retrouvés en plein ouragan. » Brice et son ami se jettent alors par une petite trappe dans la citerne d’eau qui alimente la maison. C’était leur plan de secours. «Comme on n’avait pas pied, on avait jeté des meubles dedans pour pouvoir rester en surface. On avait aussi emporté avec nous des bouts de tuyaux en fer pour s’en servir comme tuba au cas où l’on monterait. » Une protection illusoire. Le jeune Toulonnais en convient : « De toute façon on se serait retrouvé coincés contre le plafond de la citerne et on n’aurait pas pu respirer. »

« Je ne sais pas comment on a tenu »

Au bout de 45 minutes, Brice et son ami profitent de la très brève accalmie que leur offre le passage de l’oeil du cyclone pour rejoindre un abri qu’ils espèrent plus sûr. «On a couru pour rejoindre en 30 secondes un petit abri de jardin de 3 m2 protégé par un mur en pierres », explique-t-il. C’est alors que la tempête redouble. « Certains disent que les vents ont soufflé jusqu’à 350 km/h. On entendait des bruits terribles dehors. On s’appuyait de tout notre poids contre la porte en bois pour pas qu’elle ne lâche. On est resté comme ça pendant des heures à forcer. Il y avait une telle pression dans ce petit local que toutes les deux minutes on devait se boucher le nez et décompress­er comme si on était sous l’eau. Je ne sais pas comment on a tenu… » Brice avoue qu’il a bien cru que sa dernière heure était arrivée. Mais finalement le jour se lève et peu à peu le vent commence à baisser en intensité. Lui et son ami se résoudront finalement à quitter leur petit abri d’infortune en milieu de matinée. Ils découvrent alors « la catastroph­e», «l’apocalypse» : « La moitié des maisons ont perdu leur toit, des voitures sont tombées de la falaise, il n’y a plus de plage, plus un arbre non plus, la végétation a été ravagée… Un peu comme après un incendie dans le sud de la France. » Mais face à cette désolation, les habitants de Saint-Barthélemy ont réagi différemme­nt. « Une vraie solidarité s’est immédiatem­ent mise en place. Les gens ont commencé à dégager les routes sans attendre les secours. Un boulanger faisait des distributi­ons de pains devant sa boutique. Une compagnie aérienne a affrété jusqu’à huit vols par jour pour transporte­r gratuiteme­nt ceux qui le voulaient jusqu’à Porto Rico… » Reste néanmoins « le traumatism­e » immense de cette nuit d’horreur qui pousse beaucoup d’habitants, et notamment des expatriés, à quitter l’île. Parfois définitive­ment. Brice, lui, veut rester. Même s’il sait que la reconstruc­tion va être longue. « Il va falloir au moins un an pour tout remettre en état. »

 ?? (Photos DR) ?? Après les énormes dégâts causés par Irma, « il va falloir au moins un an pour tout remettre en état », juge Brice. Brice Clayeux (ici à gauche) devant la villa ravagée d’un de ses amis. Dès qu’il l’a pu, le jeune homme a rassuré ses proches restés en...
(Photos DR) Après les énormes dégâts causés par Irma, « il va falloir au moins un an pour tout remettre en état », juge Brice. Brice Clayeux (ici à gauche) devant la villa ravagée d’un de ses amis. Dès qu’il l’a pu, le jeune homme a rassuré ses proches restés en...

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