Haneke : “A Cannes, j’étais déçu”
De Michael Haneke (Autriche). Avec Isabelle Huppert, JeanLouis Trintignant, Mathieu Kassovitz. Durée : h . Genre : drame. Notre avis :
AHAPPY END
ussi charmant, disert et drôle que ses films sont secs, austères et peu aimables, Michael Haneke a répondu à nos questions sur son dernier film, Happy End ,quine lui a pas permis de décrocher un prix à Cannes, où il était en compétition au mois de mai dernier. Une déception pour le réalisateur autrichien qui, après Le Ruban blanc et Amour, briguait une troisième Palme d’or…
On retrouve dans Happy End, beaucoup de figures de vos précédents films. Était-ce une manière de questionner votre propre cinéma ?
Non, pas du tout ! C’est juste que j’écris avec la même tête et c’est toujours les mêmes thèmes qui reviennent. Naturellement, on peut me reprocher, comme à beaucoup d’auteurs, de faire toujours le même film. Mais à aucun moment je n’ai pensé à faire des autoréférences et des clins d’oeil à mes propres films…
Pourquoi avoir choisi Calais ?
Calais est devenue le symbole de l’immigration en Europe du Nord. Tourner là me permettait d’insérer ce thème dans le film sans être forcé de l’illustrer. Ce n’est pas un film sur l’immigration, mais sur l’indifférence à l’autre. Que ce soit dans la famille ou la société…
On dit aussi que vous avez fait ce film pour retravailler avec Jean-Louis Trintignant ?
C’est vrai. J’avais envie de retravailler avec Jean-Louis Trintignant et lui aussi. Alors comme un autre projet est tombé à l’eau, j’ai écrit ce scénario très vite en y insérant une partie de l’autre. L’histoire de la petite fille qui empoisonne sa mère, que j’avais lue dans le journal…
Le titre est forcément ironique…
Oui, la fin est aussi « happy » que le jeu était «fun» dans Funny Game ! (rires). Mais ça veut dire aussi que nous, pays riches, nous n’avons plus le droit de nous réclamer de la tragédie. Aujourd’hui, la tragédie est ailleurs...
Internet et les smartphones apparaissent pour la première fois dans un de vos films…
Les médias sont toujours présents dans mes films. Comme dans Benny’s vidéo ou Caché, à l’époque des cassettes vidéo… Aujourd’hui, notre vie en est tellement influencée et changée par les téléphones mobiles et Internet que ce n’est pas possible de ne pas en parler. Montrer l’écran d’un téléphone qui filme plein cadre, au début du film, c’est une ruse dramaturgique et esthétique. On se demande ce que c’est, on est irrité, intrigué. On comprend, à la manière de parler, que c’est un enfant qui filme. Mais on ne sait pas qui c’est... J’essaie toujours de rendre le spectateur curieux, d’attiser sa curiosité et de le pousser à se poser des questions, pour qu’il ne reste pas passif devant mes films.
Quels sont vos films préférés ?
Un bon père aime tous ses enfants. Je ne revois jamais mes propres films, sauf si j’y suis obligé. Je les ai trop souvent vus, entre le montage, le tournage, le mixage et je ne vois plus que les défauts. Comme pour Le Temps du loup, où j’ai été déçu du casting, alors que le scénario est pas mal… Je ne vais plus aussi souvent au cinéma que quand j’étais plus jeune mais, contrairement à la musique, où je me suis arrêté à Pink Floyd, le cinéma d’aujourd’hui, si c’est bien, ça me parle encore. Un film que j’ai vraiment adoré, ces dernières années, c’est La Séparation d’Asghar Fahradi. Je le trouve parfait.
Pas trop déçu de ne pas avoir eu de prix, cette année, à Cannes ?
Cette fois-ci je n’ai rien reçu et comme tout le monde dans ce cas-là j’étais déçu. Mais si on ne l’est pas dans une compétition alors ce n’est pas la peine d’y aller. À Cannes, tout le monde espère avoir quelque chose… Je ne peux vraiment pas me plaindre, il y a tellement peu de réalisateurs qui ont eu autant de prix. Mais je ne peux pas dire que je m’en fous, ce serait hypocrite !
L’histoire
Deux élèves de CM1 à l’imagination fertile, créent une BD qui raconte l’histoire d’un super-héros un peu barré, le Capitaine Superslip ! Un jour, alors que M. Chonchon, leur proviseur hargneux, menace de les séparer en les plaçant dans deux classes différentes, ils le transforment en… Capitaine Superslip !
Notre avis
Une mise en abîme qui adopte le point de vue de deux élèves de primaire, d’origines différentes, aux tempéraments complémentaires et (presque) amoureux l’un de l’autre. L’idée demeure assez inédite dans le domaine de l’animation. Jamais à court de blagues, ces enfants font les 400 coups mais se heurtent au régime strict de leur bahut où tous les gamins vont en cours sans élan, conscients du « No future » qui les attend. David Soren aurait pu s’en tenir là… C’était sans compter sur l’apparition du capitaine Superslip qui bousille à peu près tout sur son passage. Les vannes potaches fusent et lorsque le méchant professeur de chimie M. Cacaprout (sic) débarque avec sa chiotte géante et balance du papier toilette en guise de munition, tout a un goût d’égout… La variation sur l’amitié, ses valeurs et l’équilibre travail/amusement/création, pourtant au coeur du projet se retrouvent sacrifiés sur l’autel du grand n’importe quoi...
Les douleurs de l’Iran
L’histoire CAPITAINE SUPERSLIP
De David Soren (USA). Avec les voix de Loup-Denis Elion, David Kruger, Mark Lesser. Durée : h . Genre : animation. Notre avis :
TEHERAN TABOU
D’Ali Soozandeh (Allemagne/Autriche). Avec Elmira Rafizadeh, Zahra Amir Ebrahimi, Arash Marandi. Durée : h . Genre : animation. Notre avis :
Téhéran : une société schizophrène dans laquelle le sexe, la corruption, la prostitution et la drogue coexistent avec les interdits religieux. Dans cette métropole grouillante, trois femmes de caractère et un jeune musicien tentent de s’émanciper en brisant les tabous…
Notre avis
Ali Soozandeh utilise la rotoscopie(1) afin de dépeindre les maux de sa société. Un résultat formel atypique, indispensable pour rendre certaines scènes chocs soutenables. Une prostituée qui donne un chewing-gum à son fils muet assis à l’arrière du taxi avant de passer à l’acte, une trentenaire qui se fait avorter en cachette, des chirurgiens vénaux aux outils jamais désinfectés, un Imam coureur de jupon, des rouages administratifs injustes, la condition de la femme… et la peur de se faire prendre et de se faire pendre en cas d’impair. Ali Soozandeh ne choisit pas la facilité et montre dans son style sombre, le cauchemar de cette réalité. Il ne laisse aucune place à un bel avenir possible… mais a le bon goût de s’appuyer sur les chassés croisés de personnages qui constamment vont de l’avant et gardent malgré tout une lueur d’espoir. Habile. 1. Technique consistant à filmer des acteurs sous fond vert avant de créer des décors dessinés puis de mélanger le tout.