Un vin doux né sous les sabots d’un cheval
Les coopérateurs ont organisé une vendange tardive à cheval dans le but de produire un vin doux naturel, destiné notamment, à faire oublier une année difficile
Elle traîne ses 800 kg en douceur entre les rangs de vigne, encore chargée de raisin. Sur une petite parcelle de deux hectares, Qualinka, une belle comtoise, participe de bonne grâce à des vendanges tardives destinées à produire un vin doux 100 % bio, sur la commune de Correns. La cave coopérative locale souhaitait avant tout « marquer le coup » après une saison difficile à plus d’un titre. «Nous avons en effet vécu une année particulièrement compliquée, reconnaît Fabien Mistre, président de la cave coopérative de Correns. Nous avons connu le gel du mois d’avril puis la sécheresse cet été. Nous avons perdu une bonne partie de la récolte. Pour autant, il n’était pas question de tomber dans le pessimisme. D’autant que nous souhaitions marquer le vingtième anniversaire du bio à Correns. »
Se faire plaisir
Ainsi, ce matin-là, ils sont coopérateurs, salariés, oenologues ou partenaires. Ils viennent prêter main-forte aux propriétaires de la parcelle. Et à Qualinka, qui n’hésite pas à manger quelques grappes de raisin au passage... « Le cheval ne fait pas de vibrations comme peut le faire un tracteur, argumentent les coopérateurs. Et il ne compacte pas les sols. Si l’on ajoute un bilan carbone évidemment positif, le silence bienfaiteur et une complicité totale entre l’homme et la bête, ces vendanges sont un véritable plaisir. » « Nous sommes sur une parcelle de terre blanche, et nous allons produire un vin doux naturel, poursuit Fabien Mistre. Le climat s’est même mis de notre côté car, pour une fois, il n’y a pas encore eu de pluie d’automne. Ça facilite notamment le travail de Qualinka. Revenir à la traction animale fait plaisir à nos anciens. Mais nous aussi, nous avions à coeur de nous faire plaisir, après avoir perdu près de 60 % de notre récolte. » D’ordinaire, la très docile Qualinka est employée au labour. Ou, plus festif, elle se plaît à transporter des mariés en calèche ou se livrer à diverses animations dans le village. Cette fois-ci, elle a volontiers participé à des vendanges destinées à redonner le moral à des professionnels qui ne manquent pas de projets pour aller plus avant dans la biodynamie. Cette vendange tardive aura permis aux coopérateurs et à leurs partenaires de retrouver le moral après une saison marquée par le gel et la sécheresse. Nathalie Longefay, oenologue consultante au sein du Cabinet d’agronomie provençale, veillait au bon déroulement d’une vendange tardive préparée de longue date à Correns. « Avec Julien Demonchaux, maître de chai, nous avons défini des sélections parcellaires destinées à révéler des territoires, dans le but de chercher à produire des cuvées d’exception. Et cette parcelle en fait partie. Elle est bien orientée, sur les coteaux, et sur un terrain argilo- calcaire. » En dépit du gel du avril dernier, les coopérateurs corrensois ont connu trois semaines d’avance pour les vendanges. « En fait, poursuit Nathalie Longefay, nous avons terminé quand, d’habitude, nous commencions ! Nous avons laissé, à dessein, quelques rangs pour cette vendange particulière. En raison des nuits fraîches et des journées très ensoleillées, le raisin a connu rapidement une surmaturation, sans pourriture. On termine la boucle aujourd’hui, afin de produire un vin de dessert et de fête, aux parfums d’abricot sec, avec une grande capacité de garde. »