La nouvelle charge de Jean-Luc Mélenchon
On était resté sur l’image de Jean Luc Mélenchon doux comme un mouton il y a quelques jours face à Edouard Philippe, alors qu’on s’attendait plutôt à ce qu’il écrase, au contraire, le Premier ministre, au terme d’une de ces joutes verbales dans lesquelles le leader de la France insoumise est depuis longtemps un maître. Et puis, d’un coup, comme par un déclic, le voilà qui a déclenché avant-hier une polémique d’une violence inouïe, contre l’ancien Premier ministre Manuel Valls, lequel sort à peine d’une période de discrétion et de silence, entre son échec à la primaire socialiste en janvier dernier et son entrée, de justesse, à l’Assemblée nationale en juin où, sans vouloir le rejoindre, il s’est apparenté au groupe parlementaire de la majorité En marche. C’est lui, pourtant, que Mélenchon a choisi pour reprendre son image d’oppositionnel au couteau entre les dents. Ce qui a suscité l’attaque au bazooka du leader de la France insoumise contre l’ancien Premier ministre ? La désignation de celui-ci à la présidence d’une mission d’information sur la Nouvelle-Calédonie, dont l’objectif est de faire le point sur l’avenir de l’île, c’est-à-dire sur ses futures relations institutionnelles, avec la France : faut-il plus d’autonomie, voire l’indépendance, pour les Calédoniens ?
Jean-Luc Mélenchon, nommé, lui, simple membre de ladite commission, en a démissionné avec éclat : il a récusé l’ancien Premier ministre en le disant trop proche des thèses « ethnicistes » de l’extrême droite française, en l’accusant au passage d’être proche de l’extrême droite israélienne, laquelle, il faut bien dire, n’a pas grand-chose à voir avec la Nouvelle-Calédonie. Deux raisons pour lesquelles, à en croire Mélenchon, Manuel Valls serait donc susceptible de pencher, dans sa mission, en faveur des Caldoches blancs contre les autochtones Kanaks. Une façon d’’accuser « l’ignoble » Valls, comme l’a dit le premier des Insoumis, tout simplement de racisme. Ou encore, comme il l’a dit aussi, d’appartenir, « lui et sa bande » ,àla «fachosphère». En l’occurrence, Jean-Luc Mélenchon est d’autant plus outrancier qu’il ne se le rappelle peut-être pas, mais c’est une mission en Nouvelle Calédonie envoyée par Michel Rocard, alors Premier ministre de François Mitterrand, qui a signé en 1988 les accords de Matignon, où les Kanaks indépendantistes avaient renoncé au référendum sur l’indépendance, ce qui avait ramené la paix entre les deux communautés alors en conflit. Manuel Valls, pas encore ignoble, pas encore « facho », était alors membre du cabinet de Michel Rocard ; il avait à ce titre suivi de près, et applaudi, à la signature de cet accord. Alors quel est le vrai Jean-Luc Mélenchon ? Quelle image veut-il se donner ? Qu’est-ce qui, dans ce qu’il dit, relève du talent oratoire ou du dérapage verbal ? Qu’est-ce qui est politique chez lui, qu’est-ce qui touche au caractériel ? Le règlement de comptes permanent avec la gauche de gouvernement ne suffira pas à en faire le candidat unique de la gauche à la destitution d’Emmanuel Macron.
« Qu’est-ce qui, dans ce que dit Jean-Luc Mélenchon, relève du talent oratoire ou du dérapage verbal ? Qu’est-ce qui est politique, qu’est-ce qui touche au caractériel ? »