Victime du mal du débarquement Témoignage
L’opiniâtreté d’Erika a payé. Elle a enfin réussi à mettre un nom sur ce tangage permanent, cette fatigue qui empoisonnent sa vie depuis un long voyage en avion il y a quatre ans
C’est une femme épanouie et impatiente d’aller assister au mariage de sa nièce à Washington qui, il y a 4 ans, embarque pour les États-Unis. Un vol aller sans encombre, dix jours de festivité et un vol retour avec à peine plus de turbulences qu’à l’aller. Mais, «aussitôt après ce voyage, j’ai commencé à être victime de drôles de sensations de tangage, comme celles que l’on peut éprouver à bord d’un bateau», témoigne Erika (1). Des symptômes persistants que seuls le transport passif (voiture, train…) ou la position allongée, tête relevée, parviennent à soulager. Pas une seconde, Erika n’imagine qu’ils peuvent être en lien avec son voyage récent en avion. Handicapée par des problèmes de concentration, une fatigue persistante, la Niçoise se tourne vers son médecin : «Je n’arrive plus à rien faire, pas même à m’occuper de mes enfants. “Vous êtes fatiguée, reposez-vous, ça va aller mieux…” » ,lui répond-il. Le repos n’y fait rien. Il faut pousser les investigations. Examens ORL, bilan sanguin, IRM cérébrale et médullaire… aucune anomalie n’est mise en évidence. «J’aurais dû m’en réjouir… Mais je souffrais de ne toujours pas savoir ce que j’avais, et donc de rester sans solution. »
« Pour moi, c’était terminé, effacé»
Six mois se sont écoulés depuis l’apparition des symptômes, les médecins sont perplexes. « Le neurologue qui me suit finit par me prescrire de la rééducation vestibulaire. Huit séances sont prévues, elles sont très pénibles, mais j’insiste. Et puis, un matin, en me réveillant, je me suis sentie toute bizarre… Quelque chose n’allait pas…» Ce qui ne va pas, c’est tout simplement qu’autour d’elle, plus rien ne bouge. « Les symptômes ont disparu du jour au lendemain!» Erika reprend sa vie d’avant. « Pour moi, c’était terminé, effacé. » Quatre années vont s’écouler. Erika travaille, s’occupe de sa famille… Octobre 2016. « Nous sommes invités au mariage d’un autre de mes neveux qui vit lui aussi aux ÉtatsUnis ». La décision est prise, toute la famille part pour Washington. «Je n’éprouvais aucune appréhension, n’ayant jamais associé mes symptômes au voyage effectué dans le passé.» Le séjour se passe merveilleusement bien. Mais, au retour en France, les symptômes réapparaissent. Erika panique, son mari tente de la rassurer « C’est normal, ça va passer… » Ça ne passera pas. Le cauchemar recommence. De plus belle. Les symptômes se sont aggravés. Erika n’hésite plus, elle se précipite chez son kiné, pour de nouvelles séances de rééducation vestibulaire. Quarante séances plus tard, son état ne s’est pas amélioré. « C’était même de plus en plus fort ; les mouvements sont devenus visibles, perceptibles… Lorsque je suis debout, dans la rue, les gens me regardent, je suis instable, ils pensent que je suis saoule.Parfois, c’est comme être dans une tempête, je dois vite m’allonger… »
« Bravo, vous avez trouvé ! »
Incapable de travailler, de se concentrer, Erika passe le plus clair de son temps allongée sur son canapé… Désespérée, elle « farfouille sans cesse sur Internet, en rentrant tous les mots-clés possibles, tangage, répit, voiture… » Ça va payer. « Je suis tombée sur un site américain (Erika parle et lit parfaitement l’anglais, ndlr) consacré à un syndrome nommé «mal du débarquement»: j’ai retrouvé tous les symptômes dont je souffre ! » Erika se précipite chez son médecin traitant, et lui montre les documents qu’elle a téléchargés. «Bravo, vous avez trouvé! Voyez à présent ce que vous pouvez faire. » Il n’ira pas plus loin. Sans vraiment y croire, Erika décide alors d’envoyer un mail à l’expert nommé dans le site. «Trente minutes plus tard, il me répondait!» Professeur de neurologie au prestigieux Mount Sinaï Hospital à New York, il lui confie ne pas avoir de correspondants en France, mais lui propose de contacter un neurologue à Anvers (Belgique) qui réalise des études auprès des astronautes, très concernés par ce syndrome. Erika écrit aussitôt à cet autre spécialiste. « Le lendemain, je recevais la réponse, accompagnée d’études qu’ils avaient réalisées, de statistiques… Quel soulagement. Enfin, je savais que ce dont je souffrais existait vraiment, que ce n’était pas psy, qu’il s’était produit une forme de dérèglement dans mon cerveau.» Très peu connu, ce dérèglement peut faire suite à une croisière, un vol d’avion (toute expérience de mouvement)... «Lecerveau considère que les mouvements subis pendant le vol sont normaux, en quelque sorte. Et à terre, c’est l’absence de mouvement qu’il interprète comme anormale. Ça doit bouger, et le corps accompagne ce mouvement… » ,relate Erika, qui s’est beaucoup documentée. À présent qu’Erika sait, elle n’espère plus qu’une chose : que ça cesse. « À Anvers, ils utilisent aussi de la rééducation vestibulaire, mais avec des exercices parfaitement adaptés au syndrome. Le problème, c’est que le voyage peut compromettre l’efficacité des séances, chez moi. » Trop risqué. Sans grande conviction, Erika se rendait il y a quelques jours à l’hôpital Pasteur à Nice. « Plusieurs mois plus tôt, j’avais appelé, et ce rendez-vous m’avait été proposé. Aussitôt que j’ai évoqué le mal du débarquement, la neurologue m’a répondu : “Je ne sais pas, je n’en ai jamais entendu parler. Je pourrais vous adresser à un psy, mais ça ne servirait à rien. Je suis désolée, mais je ne sais pas vous soigner. Continuez la kiné et essayer de vivre le mieux possible.” Je me suis sentie soulagée, parce qu’elle était tout simplement honnête. » À peine 3 jours plus tard, Erika reçoit un appel. Au bout du fil, le médecin : « J’ai fait des recherches, il semblerait qu’il existe des études qui ont évalué les effets de la stimulation transcrânienne. Nous disposons de la technique, je vais transmettre votre dossier, et on va voir s’il est possible que vous en bénéficiez. » Si Erika n’est pas soulagée de ses symptômes, elle a aujourd’hui de l’espoir. Un espoir qu’elle avait perdu, comme en témoignent les larmes chargées de mauvais souvenirs qui s’échappent lorsqu’elle pose son regard sur Thimotée. Son jeune fils qu’elle souffre de ne pouvoir accompagner dans son quotidien comme elle le souhaiterait. Son jeune fils qui lui prend la main pour la rassurer. Si lui non plus n’a pas eu le nom de cette maladie qui lui a volé trop souvent sa maman, il n’a jamais douté que c’était du sérieux.
« Enfin, je savais que ce dont je souffrais existait vraiment, que ce n’était pas psy »