Ford GT : bête de course
Àlafois supercar et voiture de course, la Ford GT est une des autos les plus exclusives du moment. S’installer à son volant est un privilège rare. En piste !
Avec mon casque trop grand, mes Adidas taille 39 qui peinent à atteindre un pédalier pourtant réglable et mes mains minuscules cramponnées à la jante épaisse d’un drôle de volant plein de boutons, je me fais l’effet d’un enfant de dix ans installé aux commandes d’un Airbus. Constipé, le garçon ! Quelques semaines après avoir suivi la course des Ford GT aux 24 Heures du Mans en compagnie de l’équipe Ford Performance, je me retrouve au volant de la version de série de la GT sur les pistes – interdites au public – du centre d’essais Michelin à Ladoux, dans le Puy-de-Dôme. Une auto de course (à peine) adaptée à la route, un monstre conçu en même temps que le proto développé dans le plus grand secret pour célébrer le cinquantième anniversaire du triplé Ford au Mans, en 2016. Ce retour s’est révélé gagnant pour Ford, qui a conduit sa GT à la victoire en catégorie LM GTE Pro dès sa première (ré)apparition.
En prise directe avec le bitume Aussi exclusive qu’intouchable (environ 500 000 euros), la Ford GT impressionne même à l’arrêt. Lignes musclées, museau acéré, sorties d’échappement spectaculaires, aileron monumental : cette auto ultra-basse (1,1 m de haut) dégage une sacrée personnalité. Un demi-siècle plus tard, elle reprend avec bonheur les traits de son aïeule, la fameuse GT 40, américaine tueuse de Ferrari. Ambiance course également à l’intérieur. Il faut d’abord descendre dans cet habitacle en prise directe avec le bitume, dans lequel le carbone est omniprésent. Pas de chichis : l’instrumentation est regroupée au sein d’un large écran numérique. Toutes les commandes ont migré sur un volant pris d’une poussée d’acné permettant notamment de sélectionner les différents modes de conduite. Dans ce cockpit ultraserré – aérodynamique oblige –, on se sent très proche de son voisin. Cela tombe bien : conseils et mises en garde ne seront pas de trop pour ces quelques tours de circuit en mode supersonique. Saucissonné dans mon harnais cinq points, les fesses au ras du sol, je ne pensais pas tomber plus bas. Eh bien si ! En m’intimant l’ordre d’enclencher le mode Track, mon voisin et instructeur d’un jour me fait abaisser la garde au sol de 50 mm. Tant pis pour les fourmis auvergnates qui ne survivront pas à mon passage. Tour de chauffe et premières sensations, inédites, sur la piste numéro 3. Incroyablement réactif et démonstratif, le V6 biturbo 3,5 l Ecoboost de 647 ch remplit l’habitacle de grondements sourds qui vous prennent aux tripes. Il faut bien suivre le ballet des diodes qui clignotent sur le haut du volant pour changer de rapport au bon moment grâce aux énormes palettes commandant la boîte 7 à double embrayage. Ça chante. Ça pousse. 0 à 100 km/h en 3,1 s, près de 350 km/h en vitesse de pointe : les chronos claquent. Imperturbable, la GT semble insensible au moindre roulis. Mes Hunaudières La rigidité de la coque carbone est exceptionnelle, la stabilité impériale, du moins entre les mains d’un pilote du dimanche. Les disques carbone-céramique se montrent impressionnants d’efficacité. Campée sur ses « semi-slicks » Michelin Pilot Sport Cup 2, la GT ne bouge pas, incitant à élever le rythme et à retarder chaque nouveau freinage. Aussi concentré que le jour de l’examen du permis au volant d’une 205 diesel, je commence à prendre confiance. Je ne suis plus dans la campagne auvergnate, mais au milieu des Hunaudières. Mon instructeur-examinateur calme vite mes ardeurs, me demandant de ralentir le rythme pour commencer à faire refroidir les freins. Le tour de manège se termine. Un privilège rare qui restera réservé à quelques journalistes et à une poignée de privilégiés prêts à signer un chèque d’un demi-million d’euros. Sur le millier d’exemplaires prévu, cinq cents GT ont déjà été attribuées à des clients qui ont pris leur plus belle souris pour rédiger une lettre de motivation sur internet. Il paraît que Johnny Hallyday n’a pas été retenu. Quand on vous dit que la Ford GT est vraiment exclusive…