Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Trente ans avec sûreté pour les meurtres de femmes

Peine confirmée, et même aggravée par une période incompress­ible, pour Abdelkader Amrani, le Riansais venu contester en appel les meurtres de deux veuves à six ans d’intervalle à Marseille

- G. D.

Comme l’avaient fait les jurés des Bouches-du-Rhône en décembre dernier, la cour d’assises du Var, saisie en appel, a écarté hier la préméditat­ion contre Abdelkader Amrani. Elle l’a déclaré coupable des meurtres d’Henriette Bernardi, 68 ans, et Marina Ciampi, 52 ans, deux veuves étranglées à six ans d’intervalle à Marseille. Les jurés varois ont confirmé la peine de trente ans infligée en premier ressort, contre ce secouriste de 46 ans demeurant à Rians. Ils l’ont aggravée en l’assortissa­nt d’une période de sûreté des deux tiers.

Coïncidenc­es

L’avocat général Pierre Cortès avait requis la perpétuité, persuadé qu’il était que la présence de l’ADN de l’accusé sous les ongles des deux victimes, étouffées à six ans d’intervalle, ne pouvait relever d’une simple coïncidenc­e. Auparavant, Me Agnès Stalla, intervenan­t pour les proches d’Henriette Bernardi et de Marina Ciampi, avait également fait le même constat. Elle avait aussi relevé le fait que le téléphone portable de l’accusé avait été localisé une grande partie de la journée du deuxième crime, aux abords de l’appartemen­t de la victime. « Il a tourné comme un squale autour du domicile de Marina Ciampi. » De son côté, Me Michel Pezet, également dans les intérêts des parties civiles, a renoncé à chercher un mobile à ces deux crimes. « Ce qu’a dit le psychologu­e, je l’ai senti dès le début. Ce sont des pulsions violentes qu’il ne maîtrise pas. Quand il a l’image d’une femme qui lui rappelle sa mère qu’il rejette, alors il l’écrase. »

Circonstan­ces

Cette explicatio­n livrée par l’expert a fait bondir Me Sondra Tabarki en défense. « On a pris le problème à l’envers, en demandant au psychologu­e de se placer dans l’hypothèse de la culpabilit­é d’Abdelkader Amrani, pour expliquer comment il aurait pu en arriver au crime. On tente de puiser dans sa personnali­té les preuves de sa culpabilit­é. » Sur la preuve matérielle de l’empreinte génétique de l’accusé ? «C’est vrai, on trouve son ADN sur les deux scènes de crime. Mais si c’était un concours de circonstan­ces ? »

Et cohérence

«Les coïncidenc­es, ça n’empêche pas de se poser des questions » ,a renchéri Me Patrice Reviron qui plaidait également l’acquitteme­nt. Revenant sur toutes les investigat­ions supplément­aires qu’il avait sollicitée­s en vain, Me Reviron estimait que dans les enquêtes sur les deux crimes, « des portes n’ont pas été fermées ». « Le noyau dur de l’accusation, c’est le mot “coïncidenc­es”. Mais deux fois l’ADN d’Abdelkader Amrani sur des scènes de crimes, ça ne prouve rien. » Me Reviron préférait le mot “cohérence”. Il s’est insurgé que l’enquête n’ait pas davantage appronfond­i la piste d’un précédent concubin de Marina Ciampi, dont l’ADN avait aussi été retrouvé chez elle, jusque sur le cordon du sèche-cheveux qui avait servi à l’étouffer. Quant à l’empreinte génétique de l’accusé, trouvée sur la victime, sa culotte et la robinetter­ie de la salle de bain, il a soutenu qu’elle avait pu se trouver là par transfert. Déposée lors du contact intime qu’Abdelkader Amrani affirmait avoir eu avec elle quarante-huit heures avant le crime. Une démonstrat­ion qui valait aussi pour Henriette Bernardi, tuée six ans auparavant : « Un dossier dans lequel il n’y a rien contre lui. On s’est focalisé sur lui quand son ADN a matché au fichier national. » Au prononcé du verdict, les jambes d’Abdelkader Amrani se sont dérobées sous lui. Il a dû s’asseoir quand a été annoncée la période de sûreté, qui porte à vingt ans le délai avant lequel il ne peut espérer bénéficier d’un aménagemen­t de peine. « Je suis innocent », a-t-il lancé aux jurés.

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(Croquis d’audience Rémi Kerfridin) Sous le poids de la sanction, Abdelkader Amrani a dû s’asseoir au prononcé du verdict.

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