Stefanini: «La route pour la droite va être longue»
Haut fonctionnaire, préfet en Auvergne puis en Aquitaine, conseiller d’État, secrétaire général du ministère de l’Immigration sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, Patrick Stefanini, homme de l’ombre mais rouage essentiel, a exercé depuis trente ans une influence considérable à droite. Malheureux lorsqu’il a tenté de se présenter sous son propre nom, il avait acquis la réputation d’un directeur de campagne qui fait gagner. Ce fut le cas, de façon magistrale, au profit de Jacques Chirac lors de la présidentielle de 1995, ou encore pour Valérie Pécresse aux régionales d’Ile-de-France en 2015… Jusqu’à l’échec cinglant de François Fillon, dont il a dirigé la campagne, avant de jeter l’éponge au moment du Trocadéro. Patrick Stefanini raconte ce naufrage politique dans Déflagration (chez Robert Laffont) qu’il dédicacera à la librairie La Sorbonne de Nice, 37, rue de l’Hôtel-des-Postes, ce mercredi de 16 h à 18 h, avant un échange avec Le Cercle des amis de Jacques Chirac, à 18h30 à l’hôtel Aston, 12, avenue Félix-Faure.
Vous dressez de François Fillon le portrait d’un solitaire, qui n’a pas su rassembler. Serait-il devenu Président malgré tout si le Penelope gate ne l’avait pas plombé ?
On ne peut pas le dire. J’ai été heureux de travailler avec François Fillon, un homme d’une grande courtoisie qui a su bâtir un projet de fond pour la primaire. En revanche, la droite n’a pas fait l’inventaire de sa défaite de , elle n’a pas vu que nous avions perdu une bonne partie de l’électorat populaire et n’a pas su analyser les raisons pour lesquelles le centre, en tout cas son principal leader François Bayrou, nous avait quittés en . Nous avons donc continué la diabolisation du centre, ce qui a été une erreur politique. Quant à savoir si François Fillon aurait été élu sans le Penelope Gate, c’est de la politique-fiction. Le but de mon livre est justement de sortir des explications simplistes.
Vous estimez que le projet d’Alain Juppé était trop centriste pour gagner la primaire et celui de Fillon trop à droite pour gagner la présidentielle. Pour LR, l’équation était donc insoluble ?
Non. La politique est aussi une affaire de concordance des temps. Juppé s’est trompé dans le calendrier, en faisant pendant la primaire une campagne présidentielle. Le choix de l’identité heureuse ne correspondait pas au coeur de cible de la droite. François Fillon, lui, a éprouvé à l’inverse des difficultés à rassembler son camp et à élargir son électorat.
Laurent Wauquiez vous paraît-il en capacité de restaurer aujourd’hui un grand parti de droite ?
Il a été très largement élu, ce qui veut dire qu’il correspond à la sociologie et aux préoccupations d’une large majorité d’électeurs LR. Pour ma part, je ne lui fais pas de procès d’intention. Mais la route pour la droite va être longue, parce qu’il faut reconstruire un projet politique capable de nous ramener à la fois l’électorat populaire et la jeunesse, qui a déserté nos rangs. Et nous devons, aussi, reconquérir ceux de nos électeurs qui approuvent aujourd’hui l’action du gouvernement. Il y a tout un travail programmatique et militant à effectuer, qui nous amènera à nous préoccuper de savoir qui sont nos alliés, car la droite est sociologiquement minoritaire en France et a besoin d’alliés. A chaque fois qu’elle a gagné la présidentielle, c’est parce que le centre l’a soutenue.
Piégés par Macron au centre, Les Républicains peuvent-ils rebondir tout en gardant leurs distances avec le Front national ?
C’est tout l’enjeu des prochaines années. Le positionnement du président de la République au centre de l’échiquier politique ne va faciliter la tâche ni de Laurent Wauquiez ni des autres leaders des Républicains, mais la politique est un combat. Emmanuel Macron rencontrera lui aussi des difficultés et on voit bien dans les sondages que le soutien populaire lui fait également défaut.
En , vous avez été parachuté à Nice par le RPR pour vous présenter aux municipales aux côtés de Jean-Paul Baréty, qui a été battu par Jacques Peyrat. Ce parachutage était-il une erreur ?
L’erreur que j’ai commise en a été de penser que je pouvais enchaîner une élection municipale dans la foulée de la présidentielle où j’avais été le directeur de campagne de Jacques Chirac, qui plus est dans une ville qui vivait une transition difficile après le départ de Jacques Médecin. J’ai en effet été parachuté, même si j’avais des attaches niçoises, et la campagne a été trop courte pour que je puisse apporter une plus-value.