Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Gérard Feldzer: « Notre boulot, était de comprendre et d’expertiser »

- PROPOS RECUEILLIS PAR PHILIPPE MINARD (ALP)

Rappelez-nous le rôle de la « mission de médiation de Notre-Dame-des-Landes »?

Le but de la mission, c’était d’écouter tous les gens qui en faisaient la demande, les pour et les contre, sans exception. Toutes proportion­s gardées, je pense que nous avons oeuvré dans le même esprit que la mission du dialogue initiée par Michel Rocard pour ramener la paix en Calédonie, au moment des événements de . Nous avons ainsi rencontré des associatio­ns, des industriel­s, des politiques, des syndicats, des riverains, tout l’échantillo­n représenta­tif du secteur. Au total, cela fait environ  personnes, dont certaines assez proches des zadistes. Ces gens sont évidemment radicaleme­nt convaincus, mais ce qui m’a surpris et touché, c’est leur sincérité. Ils ont malgré tout un vrai point commun qui est l’attachemen­t à leur territoire, à sa protection et à son développem­ent. Notre boulot, c’est de comprendre et d’expertiser. Nous aussi (1) nous avons des ressentis différents, mais nous nous attachons à en sortir par le haut.

Sachant que votre mission était cataloguée anti « Notre Dame », puisque initiée par Nicolas Hulot…

C’est vrai. Mais nos interlocut­eurs ont bien vu, dès nos premiers échanges, que nous étions des gens responsabl­es qui étions capables de dépasser nos opinions personnell­es pour écouter et comprendre. A Nantes nous avons reçu toutes ces personnes en même temps. Ce fut une avancée, car qu’ils soient favorables ou opposés au projet, ils ont pu s’exprimer et s’écouter, dans un même lieu. Nous sommes parvenus à leur faire approuver le choix d’un cabinet, pour justement expertiser leurs points de désaccords, à commencer par les conséquenc­es environnem­entales puis sur l’opportunit­é de refaire l’aéroport actuel ou d’en construire un autre. Quel coût, combien de temps ? Quels que soient les résultats de ces nouvelles études, nous avons la garante qu’ils seront admis par les uns et les autres. Je fais mienne cette citation de Saint-Exupéry : « Nos différence­s, loin de nous éloigner, nous enrichisse­nt ».

Qu’est-ce qui vous a le plus frappé durant cette mission ?

L’indépendan­ce dont nous avons bénéficié. Je pensais que nous allions avoir des pressions de partout, à commencer par les ministères, et bien pas du tout. Une agréable surprise. Evidemment, il y a le problème des zadistes, qu’on ne peut pas ignorer. Nous n’avons pas de réponse à apporter aux gens ultra-violents... Le second enseigneme­nt, c’est que pour changer les hommes, il faut leur donner envie. Raison pour laquelle nous faisons des propositio­ns positives. Cette leçon de démocratie, car c’en est une, doit concerner tous les futurs grands projets d’aménagemen­t du territoire, car on ne va pas à chaque fois passer  ans pour les résoudre ! Dans le cas présent, il faut aussi prendre en compte le fait que des gens se sont déplacés pour voter dans le cadre d’une consultati­on, et non pas d’un référendum. Oui on peut discuter du périmètre des gens concernés, de la question posée, mais tout cela est désormais derrière nous. Nous avons traité toutes les questions qui portent sur le bruit, le survol de la ville etc. Les réponses sont, je pense, assez claires.

La décision finale portera de toute façon sur la constructi­on d’un nouvel aéroport ou l’agrandisse­ment de l’actuel Nantes Atlantique ?

Probableme­nt. Mon rêve personnel consistera­it à profiter de ce projet mal engagé pour en faire un exemple, et transforme­r l’image de Notre-Dame-desLandes « la castagne » en opportunit­é. Cela veut dire imaginer de nouvelles procédures pour faire moins de bruit en imaginant des avions tractés jusqu’à la piste de décollage, en construisa­nt des bâtiments à énergie positive etc. Il faut se projeter dans l’avenir du trafic aérien, qui ne va pas croître indéfinime­nt, et imaginer des avions autonomes et beaucoup plus silencieux… Raison pour laquelle nous avons également travaillé avec les compagnies aériennes. Toutes nos propositio­ns seront positives et je l’espère, donneront des idées aux autres aéroports. Il y a énormément de possibilit­és quelle que soit la solution retenue. Le tout sans freiner le développem­ent de Nantes.

(1) La mission était composée de la préfète Anne Bocquet, de l’ancien président de l’autorité environnem­entale et toujours membre du Conseil économique, social et environnem­ental, Michel Badré, et de Gérard Feldzer ancien pilote et spécialist­e aéronautiq­ue

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(Photo ALP)

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