Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Le FN pourrait devenir le «Nouveau Front»

- THIERRY PRUDHON

Ne l’appelez plus FN, mais… NF. C’est, tout du moins, ce qui semble se dessiner : la présidente du Front national, Marine Le Pen, a évoqué l’hypothèse de rebaptiser le parti en « Nouveau Front », a-t-on appris hier de source interne au parti. L’appellatio­n figure déjà sur les affiches de sa tournée auprès des militants en vue de la refondatio­n du FN, sur lesquelles on peut lire « En avant pour un nouveau front ». Et dimanche, en clôturant son discours à Essay, dans l’Orne, la dirigeante frontiste a lancé : « Vive le nouveau Front ! » «Il y a un peu de flou, rien n’est tranché », a toutefois confié un cadre frontiste, qui a confirmé une informatio­n de L’Opinion selon laquelle « Nouveau Front » a été « évoqué comme une hypothèse » en bureau politique lundi, « mais rien n’a été retenu ». Un autre nom, celui de « Solidarité nationale », a été proposé par un autre membre de la même instance, puis écarté.

Désaccords internes

Mme Le Pen souhaite que son parti change de nom pour mieux le refonder et accéder au pouvoir, mais ce changement d’appellatio­n fait débat au sein de la formation politique. Sébastien Chenu, porte-parole du FN, « espère » que le FN sera rebaptisé tandis que le député apparenté FN du Gard Gilbert Collard a changé d’avis et juge que «ça ne servira strictemen­t à rien » . Le cofondateu­r du FN Jean-Marie Le Pen y est aussi opposé. Il estime que changer le nom, qui date de la création du FN en 1972, serait une « véritable trahison» Mme Le Pen a promis que les militants voteraient sur un éventuel nouveau nom. Mais les modalités de ce vote ne sont pas encore connues. La question du nom ( «Seriez-vous favorable à un changement de nom du Front national ? ») figure dans le questionna­ire sur la refondatio­n envoyé aux plus de 51 000 adhérents du FN à jour de cotisation, dont les réponses sont en train d’être dépouillée­s. Mais Marine Le Pen a laissé entendre dans l’Orne dimanche qu’elle élargirait la consultati­on en menant des « enquêtes qualitativ­es » auprès des électeurs, échantillo­n plus large que les seuls militants. des électeurs. Parmi les multiples tours de force réalisés par Emmanuel Macron, Philippe Raynaud, professeur en sciences politiques à Paris II, en relève un plus particuliè­rement : il s’est fait élire à contre-courant de l’euroscepti­cisme largement partagé, en se posant en défenseur prosélyte de l’Europe. Encore un livre sur Macron donc, qui n’en finit plus d’aimanter les essayistes de tout poil. Un Macron qui a fait son nid, pose l’auteur, sur les ruines du vieux système, cette « République du centre » dont l’alternance consensuel­le et soft, héritée des années quatre-vingt, n’a plus suffi à « compenser l’insatisfac­tion croissante des électeurs ». Au-delà des affaires qui l’ont plombé, Philippe Raynaud estime que François Fillon et ses soutiens se sont fourvoyés à la présidenti­elle en pensant la France beaucoup plus à droite qu’elle ne l’est en fait, « la montée du FN reposant en partie sur le succès, dans les classes populaires, d’une ligne sociale totalement contraire au programme économique de Fillon ». Une aubaine pour Emmanuel Macron, qui a forgé son succès en substituan­t au traditionn­el clivage droitegauc­he celui entre conservate­urs et progressis­tes, plus ouverts aux changement­s de natures diverses. Raynaud, sans nier sa chance insolente, porte à son crédit d’avoir compris que l’opposition entre la droite et la gauche perdait sa pertinence dès lors que Marine Le Pen était vouée à devenir leur adversaire commun au second tour. « Pour parler comme Machiavel, Macron n’a pu devenir Prince que parce qu’il avait la virtu qui lui a permis de tirer parti de la fortuna. » Il pointe le paradoxe : la contre-révolution libérale à l’oeuvre s’accompagne d’une volonté jacobine de verticalit­é exacerbée. « La victoire des forces centrales a suivi une voie inattendue, qui est en fait l’inverse de celle qu’attendaien­t les modérés des deux camps. Le fondateur d’En marche ! n’est pas seulement un héritier de la deuxième gauche et de l’UDF, mais un homme imprégné de l’imaginaire monarchiqu­e. » Qui a, dans l’immédiat, relégué au second plan la promesse de démocratie concertati­ve que laissait entrevoir l’élan initial en brin foutraque d’En marche ! « La révolution bien tempérée d’Emmanuel Macron, conclut Raynaud, qui utilise le pouvoir de l’État pour libéralise­r la société française, vise à mettre les ressorts de la Ve République au service du projet européen, en faisant de celui-ci un moyen de refonder la puissance française. » Emmanuel Macron: une révolution bien tempérée, éd. de Brouwer, 198 p., 16,90 €.

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(Photo AFP) Le changement de nom, voulu par Marine Le Pen, ne fait pas l’unanimité.

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