« Non, je ne suis pas l’auteur du casse de Nice »
Je ne suis pas l’auteur du casse de Nice. » Sous l’effet de la surprise, la présidente du tribunal correctionnel de Marseille se redresse. Jacques Cassandri, appuyé sur la barre, en chemise bleue, confirme : « Je ne l’ai pas fait. » Coup de théâtre. Jacques Cassandri, 74 ans, figure du milieu marseillais, autoproclamé «cerveau du casse de Nice », ne serait donc finalement pas l’un des membres du gang des égoutiers. Il n’aurait pas participé à la mise à sac des coffres de la Société générale, en 1976 (lire notre édition d’hier). Sous le pseudonyme de «Amigo», il avait pourtant signé un livre confession en 2010, décrivant des détails que seul un membre du gang pouvait connaître.
« Irresponsabilité totale »
La présidente du tribunal est éberluée. « Pourtant, vous l’avez également reconnu devant les policiers et dans une interview donnée au Nouvel Observateur. Si ce que vous dites est vrai, c’est de la fanfaronnerie mal placée, de l’irresponsabilité totale! Je suis très surprise de votre position aujourd’hui. Des gens de votre famille ont été entendus et ont raconté savoir que vous y aviez participé. » Et Christine Mée, qui juge depuis lundi Cassandri et ses proches pour blanchiment aggravé du magot de Nice, de plonger dans ses dossiers. Et d’égrener un à un les témoignages qui ont confirmé son implication dans le casse, une fois le livre paru. « Je suis très mal à l’aise car j’ai usurpé un rôle qui n’était pas le mien, répond Jacques Cassandri. Quand on s’engage dans une direction comme celle que j’ai prise, c’est difficile de revenir en arrière. » Dans son livre confession, Cassandri avait pourtant taillé en pièces la « réputation» de «Bert», alias Albert Spaggiari. « J’étais dans les égouts, pas Spaggiari. (...) C’était un chic type, mais il travaillait un peu du ciboulot. Il avait besoin de vedettariat », avait-il écrit. Alors qui croire ? Le Cassandri de 2010, le Cassandri de 2018 ? Jacques Peyrat, l’avocat de Spaggiari, pense à une tactique de défense (lire ci-dessous). Fiché au grand banditisme, à la tête d’un patrimoine immobilier à faire pâlir l’inventeur du Monopoly, Cassandri est poursuivi pour « blanchiment aggravé » du magot. S’il ne l’a pas volé, il ne peut plus être poursuivi. CQFD. Sauf que ce retournement ne semble convaincre personne. «Pourquoi avoir menti à votre famille ? », interroge le procureur. «Je ne leur ai pas menti », affirme Cassandri, assez mal à l’aise. « Et la compagne de Gérard Vigier, l’un des membres du gang, qui préface votre livre et dit que c’est LA vérité. Elle a menti aussi?», insiste le procureur. « Elle m’avait demandé d’écrire ce livre pour l’aider, tous les droits lui sont allés. » Le procureur, Étienne Perrin, ne lâche rien. « Le code d’honneur est constant dans le grand banditisme. À travers ce livre, vous avez donc trahi la mémoire de Spaggiari, Vigier et les autres ? Vous assumez d’avoir trahi la mémoire de ces gens-là?» De plus en plus mal à l’aise, Jacques Cassandri se défend : « Dans le roman, il y a des choses exactes et des choses inventées. » Et le procureur de conclure : « Et Spaggiari, il en était ? » Cassandri s’arrête une demi-seconde : « Je doute qu’il ait participé à cette affaire. »