L’éternel dilemme
Est-il opportun d’entrouvrir la porte à la proportionnelle ? En la matière, le coeur a ses raisons que la raison tempère. Chez nous, la proportionnelle souffre d’une double tare originelle. L’instabilité parlementaire et gouvernementale de la IVe République, cette République des « petits partis cuisant leur petite soupe au petit coin de leur feu », selon la formule méprisante du général de Gaulle, avait conduit ce dernier à lui substituer illico le scrutin majoritaire en . En , François Mitterrand lui a ensuite porté le coup de pied de l’âne. Même si elle figurait parmi ses cent dix propositions de , il a durablement discrédité la proportionnelle en l’utilisant comme un artifice pour limiter le naufrage législatif d’un Parti socialiste alors en perdition, déjà ! Jacques Chirac, devenu Premier ministre, mit un terme immédiat à l’expérience. Elle n’avait, pourtant, en rien paralysé la France. Malgré l’entrée de trente-cinq députés frontistes, dont Jean-Marie Le Pen, à l’Assemblée, Chirac a disposé, entre et , d’une majorité claire pour gouverner à sa guise, chasses gardées présidentielles jalousement mises à part. Moins que jamais aujourd’hui, le rejet de la proportionnelle ne saurait se fonder sur la seule volonté de faire barrage au FN, parti reconnu par la République. Introduire à % de proportionnelle, comme le souhaite le gouvernement, instillerait un soupçon de justice électorale, de nature à satisfaire l’esprit d’équité, sans risque de chaos. Reste à savoir si ce pis-aller suffirait à redonner le goût des urnes à tous ceux qui leur ont tourné le dos. Vaste gageure…
« Chirac a disposé, entre 1986 et 1988, d’une majorité claire. »