Certains crimes ne seront plus jugés aux assises
C’est la mesure radicale dévoilée hier dans le cadre de la réforme de la justice. Aucun tribunal n’est supprimé. Les dépôts de plainte pourront se faire en ligne
Trois jours après les annonces d’Emmanuel Macron sur la réforme des peines, la garde des Sceaux Nicole Belloubet et le Premier ministre Edouard Philippe ont dévoilé hier, lors d’un déplacement commun au palais de justice de Reims, les axes de la réforme de la justice. Celle-ci, vivement contestée par les syndicats, doit être transmise au Conseil d’Etat mi-mars, avant une présentation du projet de loi devant le Conseil des ministres le 11 avril. Elle comprend cinq volets : sens et efficacité des peines, simplification de la procédure civile, simplification de la procédure pénale, transformation numérique et adaptation du réseau des juridictions. avec une annonce surprise : l’expérimentation d’un nouveau tribunal, visant à soulager les assises. Et contient une annonce surprise : l’expérimentation d’un nouveau tribunal, visant à soulager les cours d’assises. Explications et revue de détail.
Un tribunal criminel sans jurés populaires
C’est une nouveauté majeure, qui revient sur un acquis hautement symbolique de la Révolution française : l’expérimentation d’un tribunal départemental chargé de juger des crimes passibles de 15 ou 20 ans de réclusion – «par exemple les viols, les coups mortels, les vols à main armée », a expliqué la ministre –, sans jurés populaires. L’objectif de ce tribunal « est d’accélérer considérablement le jugement des affaires criminelles ». Actuellement, le tribunal correctionnel (un juge et deux assesseurs) juge des délits, passibles de 10 ans d’emprisonnement, alors que la cour d’assises (trois juges et six jurés populaires, des citoyens tirés au sort) sanctionne les crimes, passibles de la réclusion criminelle à perpétuité. Les cours d’assises « resteront compétentes pour les crimes les plus graves, ceux punis de plus de vingt ans de prison, comme les meurtres et assassinats, ou ceux commis en récidive », a précisé Mme Belloubet. Actuellement, de nombreux viols sont requalifiés en agressions sexuelles pour être jugés, plus rapidement, en correctionnelle.
Certains tribunaux d’instance vont fusionner
Face à la forte mobilisation dans les juridictions à travers la France, la ministre a choisi de ne pas toucher à la carte judiciaire, ne fermant aucun tribunal et aucune cour d’appel. En revanche, les tribunaux d’instance (TI), qui jugent les petits litiges du quotidien (jusqu’à 10 000 euros d’amende) et les tribunaux de grande instance (TGI) seront fusionnés quand ils sont situés dans la même ville. Mais « tous les tribunaux de grande instance seront maintenus » et «les tribunaux d’instance isolés garderont leur nom, leur implantation, et leurs compétences ne seront pas moins importantes demain. »
Simplifier et accélérer les démarches
Pour les procédures pénale et civile, l’objectif de la réforme est de faciliter l’accès à la justice en simplifiant les démarches et en accélérant le rendu des décisions. Au niveau pénal, le gouvernement plaide pour le dépôt de plainte en ligne, la forfaitisation de certains délits comme la consommation de cannabis, et la suppression de « formalités inutiles » comme la présentation obligatoire au procureur d’un suspect en cas de prolongation de sa garde à vue. Un dossier numérique unique sera créé, de la plainte jusqu’au jugement, « qui permettra à chacun des acteurs d’y accéder, selon les étapes de la procédure avec des droits différents, qu’il soit policier, avocat, magistrat ou justiciable », a expliqué Nicole Belloubet. Au niveau civil, l’exécutif veut encourager les règlements amiables des différends « à tous les stades de la procédure ». Tout en se défendant de vouloir limiter le droit d’appel, la réforme pourrait instaurer « le caractère exécutoire de la décision de première instance », c’est-à-dire l’application immédiate du jugement même s’il peut être contredit en appel.