Var-Matin (La Seyne / Sanary)

«La République doit tenir un discours clair»

Hier à Sciences Po Menton, Bernard Cazeneuve a défendu l’exigence républicai­ne et incité les musulmans à s’engager contre « le dévoiement de leur religion »

- THIERRY PRUDHON

« J’ai été confronté à des gens qui ont préféré la politique à l’unité de la nation. J’ai des noms en tête que je ne vous donnerai pas… » Hier soir à Menton, c’est la seule et laconique allusion polémique que se sera autorisée Bernard Cazeneuve. Nul n’aura été dupe. On sait qu’après l’attentat du 14 juillet 2016, les relations de l’ex-Premier ministre, alors ministre de l’Intérieur, sont devenues exécrables avec Christian Estrosi. A l’invitation d’étudiants de Sciences Po, l’ancien chef du gouverneme­nt est venu évoquer le défi terroriste, auquel il s’est trouvé confronté à compter de sa nomination place Beauvau, en avril 2014. Il s’est efforcé d’expliquer comment l’État a renforcé son arsenal antiterror­iste, aux plans humain, matériel et législatif. «Face à un terrorisme d’un genre nouveau, réticulair­e comme l’a qualifié Gilles Kepel, ou encore low cost, qui a vu des individus être endoctriné­s par Internet avant de partir vers l’Irak ou la Syrie, nous avons dû redresser à marche forcée notre appareil de sécurité, dont les moyens étaient insuffisan­ts.» Et l’ancien ministre de décliner quelques-uns des ajustement­s opérés : « Création de 9 000 emplois dans les forces de sécurité et le renseignem­ent, augmentati­on de 15 % des budgets matériels de la police et de la gendarmeri­e, adaptation­s législativ­es pour mieux coller à la menace, à travers notamment le blocage des sites incitant au terrorisme…» Vigoureuse­ment, Bernard Cazeneuve a surtout voulu répondre à ceux qui ont vu dans l’état d’urgence la mise en oeuvre d’un État répressif. « L’état d’urgence n’a pas fait basculer notre pays dans un état d’exception. Les perquisiti­ons administra­tives et les assignatio­ns à résidence n’ont répondu qu’à la volonté de protéger les Français dans le cadre d’un État de droit. L’état d’urgence n’a pas été une mise entre parenthèse­s de l’État de droit, mais sa mise en action pour se protéger lui-même. »

« La force du droit »

A l’évidence, redevenu avocat et… prof à Sciences Po Paris, l’homme a quitté le service de l’État avec une estime sans faille pour des forces de sécurité qui font à ses yeux «l’objet d’attaques indignes»… « Je n’ai jamais accepté les discours critiquant les policiers, par qui la République est restée debout. J’ai pour eux une immense gratitude. Je crois à la force du droit.» L’ancien ministre a enfin insisté sur la nécessité pour les musulmans de mener la bataille contre ceux qui ont désaxé leur religion. «Nous ne pouvons pas assurer la formation au culte musulman à la place des musulmans… La République doit prendre tous ses enfants dans ses bras, mais en tenant un discours clair et exigeant sur ce qu’elle est. Le processus de déradicali­sation fonctionne là où les musulmans et les imams s’engagent pour montrer que l’islamisme radical est un dévoiement de leur religion.»

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(Photo T. P.) Bernard Cazeneuve, accueilli par la sénatrice Colette Giudicelli, hier soir à Menton.

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