Var-Matin (La Seyne / Sanary)

SERGI LÓPEZ

L’humour lui va si bien

- par PATRICE MAGGIO pmaggio@nicematin.fr

Dans Lazzaro Felice, il est Ultimo.Voleur, menteur, colérique, bref, un tendre qui joue les durs. Un rôle pétri d’humour pour un acteur rarement en position comique. Alors qu’il adore faire rire.

Dans la famille des monstres sacrés du cinéma européen, il est le cousin catalan. Un bel ogre aux multiples facettes, séducteur, troublant, maléfique, comique. Sergi López, un acteur no limit qui aligne des dizaines de films au compteur – sans compter les pièces de théâtre. Dans

Lazzaro Felice, il est Ultimo. Menteur, voleur, insensible à la misère des autres, qui gagne en humanité au contact de Lazzaro, ce garçon un peu simple d’esprit, à moins qu’il ne soit touché par l’esprit sain. Comment Alice Rohrwacher lui a-t-elle «vendu» son film avant le tournage: un conte philosophi­que? Une comédie à l’Italienne? Une séquence du jour du seigneur? Tant mieux si ce film est inclassabl­e. Une fable « au

côté un peu naïf mais réaliste » sans « être ancrée dans la réalité actuelle, un peu intemporel­le ». « J’adore les choses difficiles à définir au cinéma. » On prend son ticket pour « une comédie

romantique ou un film d’horreur» . Et commence à l’écran «un voyage, comme la vie», avec « ses moments drôles, sa douleur, ses moments complexes». S’il émarge au générique du film italien, c’est pour son

«esprit très réconcilia­teur », et pour une idée,

celle « de restituer la valeur de la bonté, quelque chose qui a perdu beaucoup de valeur aujourd’hui. On sort de la salle avec l’espoir qu’il faut pour se battre, pour protéger la faiblesse de l’innocence». Ce Lazzaro, heureux, bienheureu­x, en bonne voie vers le Paradis, ne se croise pas au coin de la rue. « C’est pour ça qu’on fait de la fiction. » Pour

qu’existe «ce héros qui ne veut pas l’être. Son seul pouvoir, c’est de penser aux autres. C’est

quand même une énormité, hors de la réalité!»

Dans l’Antiquité, « les Grecs prenaient soin de l’étranger de passager : c’est peut-être un dieu »…

Aujourd’hui, c’est plutôt barbelés et reconduite à la frontière, alors que « vous comme moi, nous sommes tous des étrangers » .Lapeurdela différence, le fil d’Ariane de Lazzaro Felice , « l’idée qui me

parle le plus», entre toutes les préoccupat­ions de la réalisatri­ce. Les allusions à l’actualité sont claires dans le film, les références au cinéma italien, sont elles, autant d’oeufs de Pâques dans le jardin : Olmi, Taviani, le Pasolini de Théorème et pourquoi pas Le Guépard de Visconti où déjà, un Tancrède, illuminait le film de son beau regard, un certain Alain

Delon. Surtout, on pense à Manfredi-Giacinto, de Affreux, sales et méchants de Scola. L’ancêtre d’Ultimo? « J’ai aussi pensé à Zampanò dans la Strada de Fellini. Un mec un peu brut, un peu bestial, qui prend de la place! Ça

peut faire peur et au final », sous la carapace, un gros « volume de tendresse. » Comme Ultimo. La réalisatri­ce italienne ne revendique pas toutes ces filiations. Mais le film est aussi un formidable hommage au cinéma de son pays. Sergi López n’est pas abonné aux rôles comiques. Il en a même fait « très peu au cinéma » contrairem­ent au théâtre. Cette année à Cannes, il a ce «bonheur de faire rire les gens» dans Lazzaro Felice, mais aussi dans L’Homme qui tua Don Quichotte projeté samedi. « Un rôle tout petit » mais le souvenir d’un tournage très... « Monty Python. Je partage avec Terry Gilliam une énergie très joyeuse. Il rigole tellement pendant les prises que je lui disais: «Arrête! On t’entend dans le micro quand tu ris». C’est plutôt bon signe.

LES GRECS PRENAIENT SOIN DE L’ÉTRANGER DE PASSAGE. ILS SE DISAIENT : « C’EST PEUT-ÊTRE UN DIEU ».

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Sergi López à Cannes pour Lazzaro Feliche mais aussi pour L’Homme qui tua Don Quichotte.

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