Var-Matin (La Seyne / Sanary)

ROMAIN DURIS

Un homme au père

- par ALEXANDRE CARINI acarini@nicematin.fr

Dans Nos batailles, le très beau film de Guillaume Senez présenté à la Semaine de la critique, il incarne un ouvrier syndicalis­te très impliqué pour son personnel, qui doit soudain s’occuper seul de ses deux enfants lorsque sa femme le quitte. Un rôle très émouvant.

Il se pointe sur la terrasse du Marriott avec une tenue smart pour allure slim. Ensemble veste-pantalon à carreaux et gilet assorti. Quelques petites retouches maquillage pour la photo, car il est un peu palot. Le Duris 2018 porte barbe épaisse et cheveux longs en désordre, ça lui va plutôt bien. Aucune volonté de jouer les figures de mode, même si ça n’empêche pas de soigner le look. L’acteur est juste au poil pour jouer le clochard de Vernon Subutex, série de Canal + adaptée du best-seller de Virginie Despentes. Quelques scènes se tournent d’ailleurs à Cannes (mais sans lui !), durant le Festival. Après comédien fétiche de la trilogie Klapisch (L’Auberge espagnole, Les Poupées russes, Casse-tête chinois), Duris sur la

durée, acteur en série? «Je suis agréableme­nt surpris, j’adore le rythme de la série. J’aime quand c’est speed, et qu’on enregistre le maximum en une journée. Cette urgence permet d’aller tout de suite à l’essentiel, et je pense que ça sert aussi le cinéma », confie Romain. Je n’ai vu aucune image du tournage, mais je crois qu’on sera crédible, tout en sortant du livre pour y mettre de la vie. Un vrai pari». Dans Nos

batailles, Romain s’est confronté à un autre défi: un scénario quasiment sans dialogue, qu’il fallait improviser devant la caméra.

« Pour une scène, on avait juste quelques lignes, il fallait inventer. Du coup, on s’accapare encore plus le personnage, et on le réinvente à chaque

fois, s’enthousias­me l’intéressé. Un film sans

mot, c’est génial en fait, ça donne des ailes ! » .Et un réalisme à fleur d’émotion. Film sans mot, mais pas sans maux. Olivier est un chef d’équipe dans une grande société de livraison à domicile, déshumanis­ée à souhait par des cadences infernales dans un hangar sordide. À force de s’impliquer pour les autres au travail, il en oublie les siens à domicile. Le bien-être de ses employés, avant celui de sa famille. Quand sa femme le quitte sans explicatio­n, le voilà soudain confronté à ses obligation­s de père. «Il s’est mis en quatre pour l’entreprise, mais il n’arrive même pas à faire le petit déj’ à la maison ! C’est un personnage émouvant. » Un beau drame, à la fois intime et social. Avec de l’humour et de l’amour, des rires et des larmes. Sans pathos excessif. Un film sur l’homme fragile aussi. Et sur la femme, dont on mesure toute l’importance. Surtout en son absence ! Bientôt, on retrouvera Romain aux côtés de Vincent Cassel dans Fleuve noir, un vrai polar. Après l’avoir vu s’aventurer

« J’AIMERAIS BIEN JOUER UN POLICIER. VOIR CE QU’ON PEUT FAIRE AVEC L’IDÉE DE L’ORDRE »

Dans la brume fantastiqu­e. L’ado rebelle du Péril jeune serait-il devenu « mauvais genre » ? « Oui, j’aime bien, à condition que le film de genre ait une vraie raison d’être et des choses à dire, pas uniquement pour faire comme les Américains ! J’aimerais bien jouer un policier, voir ce qu’on peut faire avec l’idée de l’ordre, et le fait de porter une arme…», précise l’artiste qui tient plutôt un crayon à ses heures perdues de dessinateu­r en solitaire. À quelques jours près, il aurait pu croiser Vanessa Paradis sur la Croisette. Pour un improbable porté façon Dirty Dancing, dans un tout aussi improbable « remake » de l’Arnacoeur sur tapis rouge. « Ah, je pense qu’elle aura déjà beaucoup à faire…», sourit Romain, « l’homme qui voulait vivre sa vie » plutôt que de jouer toujours le séducteur à comédie. Pour la photo, il s’installe au piano, et ne peut s’empêcher de jouer quelques notes. Mais ce ne sont pas celles de Time of My Life…

 ??  ?? Romain Duris mène Nos batailles, un drame social, du travail à l’intime, comme on passe de l’autre côté du miroir…
Romain Duris mène Nos batailles, un drame social, du travail à l’intime, comme on passe de l’autre côté du miroir…

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