Var-Matin (La Seyne / Sanary)

MICHAEL SHANNON

« Je n’ai pas d’affection particuliè­re pour les sales types »

- par FRANCK LECLERC fleclerc@nicematin.fr @francklecl­erc06

Il est partout. De Take Shelter à La Forme de l’eau, en passant par Loving, cet acteur de théâtre compose à l’écran des personnage­s complexes, souvent sombres et même très inquiétant­s. Un grand.

P lus d’un demi-siècle après l’adaptation par François Truffaut du best-seller de Ray Bradbury Fahrenheit 451, le réalisateu­r Ramin Bahrani ose un remake. À l’américaine. Débauche de son, de rythme et d’énergie, sa version met en scène l’excellente et ravissante actrice franco-algérienne Sofia Boutella, par ailleurs en tête d’affiche de Climax de Gaspard Noé à la Quinzaine. Ainsi que le musculeux et charismati­que Michael B. Jordan, passé par Creed et Black

Panther. Dans Fahrenheit 451, dont le titre fait référence au degré de combustion du papier, des pompiers se font une spécialité de l’autodafé. Dans une société envahie par le numérique, on brûle les livres en place publique pour éviter

la propagatio­n des idées. Faire table rase du passé pour éliminer la pensée : c’est l’antienne des régimes totalitair­es; on pense au nazisme comme à Daech. « Dans notre société américaine, je ne vois pas beaucoup de gens accorder une grande attention à la

littératur­e », regrette Michael Shannon qui ne détesterai­t pas voir ses contempora­ins manifester davantage d’intérêt à l’égard du livre. Ici, son personnage, le capitaine Beatty, s’oppose à l’élève qu’il a formé durant de longues années pour lui succéder. Et qui, tenaillé par le doute, prend le parti du bien. «Beatty veut juste survivre. Il est entraîné à faire certaines choses, et il les fait. Quelles que soient ses conviction­s intimes, il maintient le cap plutôt que d’entrer en rébellion. Il a trop à perdre, c’est un sentiment très humain. » Ne préférerai­t-il pas, de temps en temps, se voir confier des rôles moins sombres, comme celui du reporter dans

Loving de Jeff Nichols ? « Je n’ai pas d’affection particuliè­re pour les sales types. Ma priorité, c’est l’intensité. J’aime les personnage­s complexes autour desquels on peut tourner, où l’on peut explorer des zones cachées. Il n’y a pas d’un côté le bien et de l’autre le mal. Le monde n’est pas aussi manichéen. Même quand je me trouve ici, à Cannes, dans ce festival historique et dans ce cadre magnifique, je peux avoir des moments de noirceur. C’est toujours là, juste derrière moi.» Shannon s’impose. Sans chercher à prouver quoi que ce soit. « Ce qui compte, ce n’est pas ce que j’ai fait mais ce sur quoi je suis en train de me concentrer. Je ne regarde pas mes films en me disant : ‘‘Wow ! tu es incroyable”… Il faut rester humble car il y a aura toujours quelqu’un pour vous dire que vous êtes nul et que vous n’êtes qu’un trou du cul. C’est comme ça. »

« IL Y AURA TOUJOURS QUELQU’UN POUR VOUS RAPPELER QUE VOUS N’ÊTES QU’UN TROU DU CUL. »

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Michael Shannon (à droite) avec l’actrice franco-algérienne Sofia Boutella et Michael B. Jordan, ses partenaire­s dans Fahrenheit 451.

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